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Pourquoi les cultures fonctionnent-elles par oppositions ?



1) En premier lieu, parce que les « cultures » n’étant que des conversations soutenues, elles s’organisent elles-mêmes comme des « métaphores », c’est-à-dire comme des échanges de propositions consistant en comparaisons : ainsi, telle culture dit-elle par le truchement de l’ensemble de ses membres : « je suis ta vraie famille » (comparaison entre société et famille), ou : « je suis ta patrie », ta « heimat », ton « oumma », ta « communauté », etc, ce qui revient à peu près au même. Bien sûr, il se trouvera toujours des philosophes ou des intellectuels partisans pour proclamer le contraire (« la société n’est pas une communauté » , « le marché n’est pas une famille », etc.), mais ils alimenteront néanmoins la conversation sur la métaphore « centrale » d’une entité collective de n’importe quelle échelle.
2) Une fois une métaphore « orchestre » (comme dit Gilles Châtelet) installée au cœur d’une culture, elle apparaît pour les autres comme une sorte d’essence de cette dernière : c’est désormais une « position » qui la représente à l’extérieur.
3) L’extérieur ne peut signifier que deux choses :
-soit c’est un monde d’hostilité absolue (et pas seulement d’inimitié) que l’on voue à la destruction complète ou, a minima, à l’ignorance totale. Dans ce cas, il peut exister une métaphore représentant ce « gouffre » (par exemple dans un mythe opposant les Humains aux Bêtes ou aux Démons), mais on ne peut pas en faire grand-chose, car elle ne peut être mise en discussion par « l’Autre » ainsi expulsé de toute « comparabilité » utile.
-soit c’est une entité « différente », mais dont la différence même prête à discussion.

4) Dans ce cas, la conversation qui unit la culture A à la culture B (en formant d’ailleurs une culture C, celle de leurs échanges réguliers et de leur controverse elle-même) se propose comme opposant à la métaphore positionnant A, une autre qui serait représentative de B. Du même coup, en disant « nous ne sommes pas B, mais A » (et inversement), chaque culture membre d’une nouvelle culture (C) constituée de cette conversation se présente comme élément d’une comparaison, d’une métaphore, même si cette métaphore se propose comme négative.
On peut imaginer, par exemple, que la culture A tienne à se définir comme l’opposé de B sur un certain registre. Cet opposé pourra prendre une signalétique de différence qualitative (blanc pour noir, haut pour bas, dur pour doux, cuit pour cru, etc.) mais dans tous les cas, et pour autant que la comparaison reste possible et configurée à l’intérieur d’un même (même nation, alliance, entité, amitié, famille, etc.), il pourra toujours finalement se réduire à du degré, et donc à du quantitatif : plus ou moins. Ce qui est important, néanmoins, pour que la comparaison demeure équilibrée, est que le commensurable joue dans les deux sens : ce qui est « plus » dans un sens est « moins » dans l’autre. Par exemple : ce qui est « plus dur » est nécessairement « moins doux », et inversement. Cette apparente tautologie n’en est pas une : car si l’on préfère le « doux » (par exemple comme méthode de gouvernement, comme dans le « praos » des Grecs anciens), alors il est positif d’obtenir une qualité de « moins grande dureté », tandis que dans un régime autoritaire, l’efficacité sera liée à une « moins grande douceur », appelée dans ce cas, laxisme).

Le problème change de nature quand l’un des termes de la métaphore devient l’axe principal de toute l’activité symbolique de cette société là : dans ce cas, la commensurabilité inévitable des termes va servir à mesurer seulement la position dans une hiérarchie entre « Bien » et « Mal ». Ainsi, comme le rappelle Lévi Strauss, les castes indiennes ont-elles fini par indiquer un positionnement vertical entre une dignité extrême (le Brahmane) et une indignité extrême (le Serviteur, ou pire, le « hors caste »). J’appelle cette modification : métonymisation d’une conversation métaphorique, puis catachrèse : dans la métonymisation, on commence à inféoder un terme à un autre, et seulement dans un sens (la voile représente le bateau, mais pas le bateau la voile), et dans la catachrèse, on oublie carrément l’un des termes (dans « saupoudrer », on oublie que « sau » veut dire « sel » et qu’on ne peut donc pas saupoudrer avec du sucre !). Ce processus, je le nomme : « destinée de la métaphore », et elle concerne absolument toutes les conversations métaphoriques soutenues, qui se terminent invariablement par une catachrèse, fut-ce au bout de décennies ou même de siècles d’échanges de paroles (paraboles) )à visée symbolique (symboles).

Dans le moment, toujours relativement précaire, où un certain équilibre prévaut dans la métaphore courante, acceptée ou tolérée par les parties prenantes de la conversation, l’un des termes représente donc toujours à la fois du plus et du moins par rapport à l’autre, ce qui se distingue étant alors un « style », un ensemble de qualités dont on ne peut finalement décider quantitativement celui qui l’emporte sur l’autre. Par exemple, dans tel ensemble de sociétés de l’île de Vancouver, le masque blanc aux yeux exorbités et à la bouche dentée de la sorcière représentant la richesse n’indique pas que cette dernière est plus « mauvaise » ou « meilleure » que le masque noir aux yeux enfoncés et à l’absence de bouche d’une sorcière jouant un rôle légèrement différent dans la tribu voisine. Il s’y joue des nuances qualitatives, des médiations discursives implicites reflétant plutôt des considérations circonstancielles. Certes, au bout d’une ligne de transformations spatiales, des inversions de rôle se produisent, mais admettons que, par exemple, ladite sorcière finisse par incarner la seule force politique et non plus l’argent, elle n’en sera ni meilleure ni pire pour autant, du moins si l’on considère la controverse non terminée (non « catachrétisée »).

Bref, tant que le quantitatif n’est qu’une modalité de la comparaison qualitative irréductible au chiffrage, on est encore dans le moment proprement métaphorique d’une conversation.

5) Imaginons maintenant qu’une culture rencontre un « extérieur » qui prétende entrer en conversation à partir d’une insoutenable réalité de « pure barbarie ». Comment cette entrée va-t-elle se produire, si elle est possible ? Il faut certes que chacun accepte de considérer l’autre au minimum comme un « Humain » capable d’échanger des propos sensés. Mais ce préalable n’en est pas un, car il suffit qu’une proposition des « Barbares » soit prise en considération pour que leur humanité implicite soit posée.
Supposons que la métaphore « orchestre » d’une grande civilisation construite autour du peuple Han et de son écriture (absorbant la compréhension d’autres langues orales) puisse se résumer, se synthétiser dans le symbole « harmonie cosmique », le Barbare peut-il former son identité métaphorique seulement comme « dysharmonie » ou « désordre » ? Non, car, sauf cas très particulier exploré par les mathématiciens, le désordre ne produit pas sa propre forme d’ordre. Pourtant, il faut bien construire un « contraire » qui ne puisse être réduit à la simple coulée entropique du système civilisé. En réalité, les alternatives logiques ne sont pas en grand nombre, surtout si l’on maintient la condition « cosmologique » (au lieu de glisser à des principes d’ordre locaux, par exemple). Pour les découvrir, explorons le contenu sémantique de ladite « harmonie cosmique » : elle consiste à supposer que le mouvement même des forces les plus consistantes et les plus puissantes dans l’univers finit par produire un équilibre (celui du Yin et du Yang, par exemple). Or je peux considérer que ces forces ne sont pas indéfinies, et surtout que leur opposition « qualitative » se résoud en fait en différences quantitatives subtiles. Le chaud , par exemple, n’est qu’une modification quantitative d’une énergie affectant des molécules matérielles. Et si je considère seulement l’emplacement et le mouvement relatif de ces molécules, alors je n’ai plus besoin d’en appeler à une « harmonie » poétique entre principes opposés : la loi de la thermodynamique concerne absolument toutes les parties de l’univers. J’ai remplacé la projection poétique d’une destinée identitaire se changeant en son contraire par une loi mécanique.

Il suffit donc d’opposer à la thèse de l’harmonie cosmique celle de la loi de l’entropie pour disposer d’un principe d’ordre alternatif sur lequel je peux bâtir la présomption d’une autre civilisation. Je ne pourrai pas, tout du moins pendant longtemps- affirmer que la civilisation de la loi mécanique est meilleure ou supérieure à celle de l’harmonie cosmique-, mais je pourrai détailler ses avantages -et ses inconvénients- comparatifs. Parmi ses avantages, par exemple, je peux soutenir qu’elle ne part pas d’un idéal merveilleux considéré éternel (et faisant éternellement retour, mais de façon peu localisable), mais d’un mouvement antisymétrique en cours, parfaitement irréversible (sauf localement), Je puis au moins fonder sûrement des actions locales intervenant sur la « loi » sans défaire celle-ci.

On pourrait légitimement se demander si l’ex-Barbare ne ferait pas mieux de se rallier tout simplement à la métaphore déjà utilisée par la « grande civilisation ». Pourquoi pas ? Ce faisant, il accroîtrait la sphère d’influence de cette dernière en s’y fondant. Notre question revient à se demander quel est l’intérêt pour le dit ex-Barbare de se construire en tant que civilisation distincte de la première. La réponse se trouve, en fait, dans la question : si ce personnage est en butte à la vindicte de la « grande civilisation », c’est précisément en tant qu’il en reste distinct, qu’il lui résiste. Or il ne peut pas émerger de cette résistance en position plus stable en s’y fondant, ce qui revient à disparaître. Il ne peut donc résister victorieusement qu’en déterminant une stratégie qui le maintient comme identité distincte. Nous revenons alors au problème précédent.

Existe-t-il d’autres alternatives possibles , venant interférer dans le dialogue désormais institué entre anciens Barbares ayant finalement opté pour le seul mode qui les protègent dans leur distinction, la loi mécanique, et anciens Civilisés s’en tenant à l’harmonie cosmique ? Sur un plan strictement homogène, il semble que non : au fond, l’opposition en question revient simplement à prendre les choses soit par l’extérieur, soit par l’intérieur : vu de l’extérieur, et dans la temporalité vécue la plus longue, tout fait retour. A noter que cet « extérieur » est en même temps celui d’une intériorité subjective, celle du paysan assistant au retour des saisons par exemple. Vu de l’intérieur des choses, tout mouvement tend à l’invariabilité relative, et les rencontres produisent une dispersion de l’énergie. A noter, là encore, que cette « objectivité » scopique se réfère au fond à une expérience purement intellectuelle, laquelle déduit un fait universel d’une expérience locale, sans aucunement tenter de l’imaginer. On peut encore indiquer des différences de style qui découlent de ces attendus : le Civilisé ne peut seulement concevoir que le mouvement du réel s’arrête, tandis que l’ancien Barbare mécanisé ne peut concevoir que tout dure : pour lui, tout doit finir, s’arrêter dans la parfaite immuabilité des temps derniers, ceux où le mécanisme de la grande horloge divine n’a plus de ressort.
Bien sûr, sur ces confins, les choses -pour inadmissibles qu’elles se dévoilent- peuvent s’inverser : le mécanicien va inventer la réversion du mouvement originé par le Big Bang, tandis que l’harmoniste va concevoir la fin du son dans le bruitage infini du ventre du Bouddha…. Etc… Il est d’ailleurs dans l’ordre de la conversation métaphorique que les différences se brouillent quelque peu en fin de compte. Cependant, la destinée de la métaphore elle-même est toujours celle d’un englobement métonymique et de sa conclusion catachrétique : ce n’est pas la fin du monde, mais c’est à coup sûr celle de la métaphore, à savoir de la comparaison vive. Et dans notre exemple -où l’on aura reconnu l’interminable conversation Occident-Orient- cet englobement s’opère pour le moment au profit de la conception mécanique, bien plus puissante dans la réalisation d’une civilisation décorrélée des rythmes naturels. L’autre terme de la métaphore (de la conversation intercivilisationnelle) y est réduit à des positions défensives, morcelées, ou projetées dans l’idéalisme religieux, lui-même diffus et pulvérulent,, tandis que la « science » (dont le mot même vient de « séparer », « discriminer ») prend toujours plus en charge l’ensemble de la vie humaine et naturelle à partir de son option d’articulation mécanique.

Mais n’existe-t-il vraiment pas d’alternative logique disponible ? Réfléchissons : entre épreuve subjective de la totalité et expérience objective de la localité, se manifeste-t-il des possibilités médiatrices ou intermédiaires ? En jouant sur les termes disponibles, ne met-on pas à jour « automatiquement » des possibilités encore inexplorées : ainsi « épreuve subjective de la localité » et « expérience objective de la totalité » sont-elles des expressions qui ont un sens, ou non ?

L’expérience subjective de la localité est certainement quelque chose de concret, mais quand on ajoute subjectif à local, on sort à l’évidence d’une conversation ayant pour but de définir une forme civilisationnelle ordonnée globalement. A moins d’affirmer, ce qui n’est pas facile, que c’est précisément cette façon de prendre le monde localement et subjectivement qui constitue un projet d’ordre global. Retenons en tout cas cette possibilité formelle.
Quant à « l’expérience objective de la totalité », elle ne fait qu’accentuer l’aspect prométhéen et dominateur de la science mécanique. Elle n’en est qu’une exagération, une affirmation sous « hubris ».

Jusqu’à preuve du contraire, nous sommes donc très limités dans nos tentatives de trouver des positions sortant de l’opposition première des discours « civilisés », soit par la loi, soit par le sentiment esthétique d’harmonie.

En réalité, il suffit de postuler que la civilisation « orientale » a été première comme expérience historique, pour reconnaître que ce qui vient en second dans la conversation, et nécessairement à partir d’une situation « non civilisée », ne peut être ni la défense du sentiment local (familier) ni la projection d’une toute puissance universelle, mais l’articulation de moyens et de dispositifs à potentiel extensif à partir de connaissances objectives établies localement.

C’est exactement ce qui s’est passé, puisque, ne pouvant s’établir que « contre » le choix des grands empires orientaux fonctionnant « à l’harmonie » (ou du moins à son idéologie), l’Occident -ex barbare- ne s’est construit que comme mécanisation de ses guerriers-paysans, sous la double forme quantifiable du citoyen (aux droits égaux) et du soldat intégré à la phalange, cette machine collective.

L’argument selon lequel la conversation est-ouest n’a pas pu s’établir aussi formellement étant donné la vastitude des espaces intermédiaires occupés par le tourbillon turco-mongol ne tient pas : ce dernier a été un vecteur exceptionnel de passage d’informations et d’échange d’objets entre les deux pôlarités vouées à la fixation civilisée.

Une question importante surgit, au terme de ce raisonnement : quand une métaphore a tourné à la catachrèse et qu’ainsi, en apparence, l’histoire conversationnelle s’arrête, est-ce qu’il n’y a pas d’au-delà envisageable ? Un recommencement ? Une diversion ? Un embranchement ?

Je crois, en réalité, que toute issue catachrétique -qui est bel et bien la fin d’une histoire- induit le commencement d’une autre : il est impossible qu’une affirmation symbolique n’entraîne aucune contestation à sa mesure même. Imaginons que la civilisation de science mécanique et celle d’harmonie cosmologique s’unissent dans un dispositif assurant la prééminence de la première sur la seconde, ce « bloc » ne pourra pas rester incontestable, ne serait-ce que parce qu’il anéantit les sujets qui y souscrivent comme pôles de réactivité et d’identité propres. Même réduite à une parfaite unicité planétaire sans extériorité, une société sera l’objet de conversations qui cherchent à en déterminer l’essence par rapport à d’autres, ne serait-ce que par rapport à ses composantes.


En bref, ce n’est pas parce que la conversation est réduite à une seule au plan d’une société-monde, qu’elle cesse d’être ce qu’elle a toujours été en toutes circonstances : une destinée de la métaphore, de la comparaison, laquelle reprend au point même où elle semble s’éteindre dans une affirmation définitive plus ou moins acceptée par tous.

Le seul problème qui est véritablement posé est la recherche et la découverte de l’opposé le plus pertinent et consistant face au « bloc » catachrétique en vigueur, cette fois au plan universel.

En fait, dès lors qu’émerge un tel « bloc » (que l’on pourrait nommer « mécanico-harmonieux », il trouve un écho dans son contraire virtuel : non mécanique-dysharmonieux.
Il suffit d’appeler par exemple « Nature » cet opposé, pour engager une conversation virulente sur … la nature de cette Nature, et sur son opposé, supposé être la Culture. Très vite, naissent alors d’autres possibles logiques : le non harmonieux mécanique peut désigner un effet catastrophique de la culture réduite à la technicité, tandis que l’harmonieux non mécanique résiste comme résidus de la civilisation cosmologique.

Nous ne prétendrons pas découvrir ici la « métaphore » réouvrant la catachrèse contemporaine en cours de cristallisation, mais nous pouvons à tout le moins accompagner et soutenir son mouvement inévitable.

Or il semble que si le mécanique (comme loi technique simplifiée) l’emporte comme représentation majoritaire, le « vivant » s’y oppose assez bien, au-delà de toute « complexité » maîtrisable. Par ailleurs, si l’ordre global est considéré la seule perspective civilisationnelle, il est très tentant de considérer le local (ou le familier) comme ce qui en pallie les défauts les plus écrasants. Enfin, si la Culture humaine se rallie aujourd’hui corps et âmes à l’autorité technochrématistique, on peut supposer qu’elle y perd le sentiment et la sagesse de la bonne vie.

On verrait alors se dessiner face au « bloc » mécanico-harmonieux, un groupe un peu hétéroclite rassemblant sentiment, familier et vivant. De cette opposition désormais encore plus frontale que celle -classique- du pouvoir et du familier-, peut surgir un champ conversationnel doté d’un minimum de pluralité. Cette pluralité de la mondialité actuelle et future, nous pourrions peut-être l’envisager comme le débat réaffirmé entre le total et le local d’une part, entre la culture du sens et celle du calcul d’autre part.

Un équilibre entre ces quatre aspects ou dimensions de l’humain peut sembler trivial. Mais considéré strictement, il pourrait dépasser les formulations plus anciennes et partielles des religions et des civilisations territorialisées, et ouvrir un équilibre suffisamment durable pour nous occuper quelques siècles… ou millénaires.













Lundi 29 Septembre 2014 - 15:16
Mercredi 17 Décembre 2014 - 14:07
Denis Duclos
Lu 391 fois


1.Posté par Debbie le 28/03/2015 15:19

Bon, j'ai presque tout lu, même si vers la fin, mes yeux se sont glacés dans l'effort de suivre.
Quelques commentaires... très naïfs.
Si tu n'es pas allé voir "Le dernier loup", il est temps de le faire (mais je te l'ai déjà dit, peut-être...).
J'ai été estomaquée de voir que dans les Cahiers du Cinéma, à ma connaissance, "on" n'a même pas écrit une ligne sur ce film.
Il paraît qu'Annaud est franchement haï en France...
Ça ne m'étonne pas plus que ça.
On pourrait presque dire qu'un Français que la société française dominante exècre est forcément quelqu'un qui dit des choses intéressantes.
Et c'est bel et bien le cas dans ce film où on voit les ravages que provoque une civilisation sédentaire, urbaine, avec des élites lettrées, quand elle heurte une civilisation nomade, basée sur une transmission/tradition orale.
Dans le film d'Annaud on voit combien la civilisation de transmission écrite avale tout cru celle basée sur la transmission orale, la déstructurant, et la détruisant de manière impitoyable ET CECI, BIEN ENTENDU AVEC LES MEILLEURES INTENTIONS.
(Ça te rappelle quelque chose ? A vrai dire, Tocqueville avait déjà fait cette démonstration il y a très longtemps, mais le film d'Annaud est plus spectaculaire, plus.. pédagogique, et pour grand public, qui plus est.)
Donc... une civilisation d'élites lettrées SEDENTAIRES détruit une civilisation nomade de tradition/transmission orale.
Cela me semble plus pertinent comme.. opposition que l'opposition orient/occident qui est certes, plus... romantique, mais, sur le plan scientifique, rend compte de moins de paramètres.
Je ne suis pas sûre de te suivre dans ce que tu dis sur la métaphore...
Je picore dans un livre assez scientifique en ce moment sur la mémoire, qui ne s'appelle pas, malheureusement, "L'art de la mémoire"...
Ce que je retiens de ce livre, c'est combien nos ancêtres, et même lettrés, ont associé mémoriser et se situer DANS L'ESPACE...
Un nomade a plus de possibilités de se situer dans l'espace, je crois, car il bouge plus, et sa vie dépend de sa capacité de savoir où il est, et où il va.
Un sédentaire, a-t-il autant besoin de cela, crois-tu ?
Je crois que non...
Autres aspects importants pour mémoriser : pouvoir figurer des images nettes, détaillées, sophistiquées, précises.
Tout cela contribue à façonner... une langue détaillée, imagée, et donc... DES METAPHORES IMAGEES...
Je conclus que PLUS on parque l'être humain, civilisé ou pas, dans de grands espaces flous, indéterminés, monotones de couleur, et de bruit, plus on contribue à émousser ses capacités à aiguiser son esprit, son langage et...
C'est la décadence, mon ami. (bon, désolé, tu me connais maintenant. Je suis musicale, et ceci est un de mes thèmes préférés, d'autant que, vraiment je la vois partout...).
A l'heure actuelle, je vois l'Humain attaquer la/les métaphore(s) QUI STRUCTURENT SA CONSCIENCE. (pas de conscience sans mémoire, et pas de mémoire sans conscience. Les autres animaux ont la mémoire, et la conscience aussi... on ne peut pas chasser sans mémoire, sans conscience et sans... la raison.)
Je vois ce qui advient quand on survalorise la pensée rationnelle au détriment, non pas de l'émotion, car l'enjeu n'est pas dans l'opposition.. béta raison/passion, il est dans la nature de la conscience, le rapport au langage, comme déterminant le rapport, non seulement à l'Autre (haro sur la survalorisation de l'Autre humain aussi pendant qu'on y est...), mais au vaste monde, et tout ce qu'il y a dedans. Les autres... Autres, si tu veux.
Il y a de petits.. croyants qui s'ignorent comme croyants qui s'imaginent que le vivant est si rationnel qu'il ne peut pas travailler... à sa perte.
Mais, personne ne leur a dit que le vivant n'a aucune obligation d'être rationnelle...
En fait, rien dans notre monde n'a l'OBLIGATION d'être rationnel. Et non, à la dernière nouvelle, nous ne vivons pas dans un film Disney, ni dans un parc d'attraction de Disney où le "happy end" est promis au début du film. Il n'y a pas d'assurance tous risques dans l'existence, individuelle OU collective.
(En passant, je trouve que tu as loupé.. la RAISON de la mécanique. La mécanique est surtout la mécanique du rationnel pensée comme mécanique. Une grande métaphore, si tu veux, et il faut aller voir Descartes, "Le Discours", et son chapitre qui m'a laissée.. avec les yeux glacés, sur le coeur comme pompe. Dans le mécanisme, on ne peut pas faire mieux que ce chapitre de Descartes et il est... à vomir.)
Et l'idée de.. loi ? (surtout pour parler de lois... naturelles, touchant le vivant)
Une grande.. croyance à mes yeux... (à vrai dire, le destin des métaphores est de devenir... des évidences. Une évidence est tellement évident qu'on ne le voit plus.)
Je ne suis pas hostile aux croyances, pas non plus à la foi.
Mais... chez ceux qui se targuent d'être des ordinatueurs, ou de penser comme des ordinatueurs, là, ça me donne des boutons, franchement.
Dernier point : il faudrait que tu lises le livre de Cicely Berry "The Actor and the Text" où elle parle de la pensée élisabéthain, pour comprendre à quel point la langue que tu écris ci-dessus porte la marque... indélébile ? de la catastrophe mécanique.
Le français est très touché par cette catastrophe.
Le Français, va-t-il... ressusciter sa langue ?
Cela dépend.. DE NOUS, et il est de la responsabilité de nous tous de... RAVIVER LE VERBE, mon ami.
Il y va de notre vie...
Tant que NOUS NE FERONS PAS D'EFFORTS POUR RANIMER LE VERBE... la mécanique continuera de gagner. (Et perso, JE souffre de la métaphore mécanique généralisée...)
Bon, retour à mon piano...

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