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Les Humains sont-ils des machines ?

En un temps où le rêve américain se transforme en fantasme de cyborgisation, on se doit de reposer la question qui préoccupa Descartes et La Mettrie



Pour Descartes, les hommes ne sont pas entièrement des machines, mais seulement parce que leur glande pinéale, que ne possèdent pas les animaux, fait vivre en eux le principe divin de la pensée, irréductible à l'étendue. Mais pour nous, contemporains d'une science qui a réduit ladite glande (épiphyse) à une fonction organique comme les autres, nous sommes contraints d'admettre que nous sommes des animaux similaires aux autres à l'exception d'un langage symbolique dont la genèse naturelle ne fait pas de doute.

Nous sommes donc sommés de choisir : ou bien l'animal est mécanique et nous le sommes aussi, ou bien ni l'un ni l'autre ne l'est, et comme nous ne pouvons guère arguer que nous sommes surnaturels, tant notre ancrage dans l'évolution est devenu évident (en dépit de quelques dénégateurs fondamentalistes), il nous reste à montrer que la nature animale n'est pas mécanique.

Le problème s'impose alors de savoir où commence et ou finit la machine dans le processus vivant. Nous soutiendrons ici que la vie n'est pas machinale et cela depuis l'origine. A l'inverse, la vie a toujours utilisé des machines : ce qui est sans doute pour quelque chose dans la confusion à ce propos.

Attention : ce n'est pas le fait que la vie utilise la machine qui la définit comme vie. La machine aussi peut utiliser la machine, voire instrumentaliser la vie. La différence entre la vie et la machine ne réside pas là. Elle tient dans un fait régulier dont on peut faire une loi : la machine est toujours et seulement définie par ses fonctionnalités, alors que le vivant emporte toujours dans sa reproduction une part imprévisible de non fonctionnalité. C'est essentiellement cette part qui rendra possibles les mutations évolutionnaires, y compris les plus fonctionnelles.

Cette définition est cependant insuffisante, car il se dessine dans l'évolution une trajectoire qui reproduit à des échelles de complexité croissante l'antagonisme entre fonctionnalité machinique et non fonctionnalité décisive, sans pour autant supprimer les formes premières ou intermédiaires de cet antagonisme.

Ainsi même des processus inexorablement fonctionnels dans des circonstances précises (telles celles qui déclenchent l'apoptose cellulaire) sont-ils toujours presque infiniment plus complexes et chargés de potentialités diverses que ce que réclame leur apparente "fonction". C'est sur cette complexité " inutile" (au moins au regard de quelques séquences fonctionnelles " bien" identifiées) que se construit la vie.

On peut alors admettre que cette complexité reflète tant de mutations et de co adaptations au cours des quatre milliards d'années écoulées qu'il est hors de question que la technoscience puisse en quelques siècles produire une aussi grande variance de dispositifs reproductibles. Ce qui implique aussi la fonctionnalité, celle ci apparaissant presque comme une gratuité accompagnant l'efflorescence des formes survivables.

Mais si la différence des niveaux de complexité entre vie et machine est de plusieurs ordres de grandeur, il ne faudra jamais oublier que c'est surtout parce que la vie "pousse" devant elle une inventivité due à la non fonctionnalité, que la machine ne suscite tout simplement pas, sinon sous la figure de la catastrophe des "modes communs". En effet, lorsque la machine se reproduit et prolifère sans le processus d'essais-erreurs infiniment varié qu'implique l'injection de non fonctionnalité à doses supportables, elle induit nécessairement des modes communs sillonnant chaque génération produite : à savoir des phénomènes épidémiques liés a l'homogénéité relative du milieu créé.

Prenons un exemple : le seul fait qu'une augmentation générale de la puissance d'agir ait été dépendante de l'exploitation systématique du domaine électromagnétique a conduit la technologie à en prolonger l'installation par les micro- courants électroniques et ceux-ci par l'informatisation. Il s'en déduit qu'en cas de conflit majeur, quelques bombes nucléaires visant en altitude une fraction du spectre électromagnétique terrestre suffirait à arrêter le fonctionnement de la quasi totalité des dispositifs techniques, automobiles, trains, avions inclus.

Voilà un " mode commun" absolument massif, générant potentiellement un collapsus civilisationnel mondial. Mais un processus analogue se déploie à toutes les échelles, même quand son effet négatif est limité à une simple baisse d'inventivité. Or la motivation presque exclusive des écoles d'ingénieurs et des bureaux d'études étant d'augmenter constamment la fonctionnalité, la perception de ce problème crucial n'existe tout simplement pas dans nos sociétés. Elle n'existe même pas quand explose l'autre mode commun gigantesque que représente la pollution induite. C'est d'ailleurs ce dont témoigne la tentative généralisée de s'y opposer par une surenchère technologique, ou, à défaut, par un ralentissement programmé des investissements, c'est-à-dire par un risque social accru.

On dira que ces embardées et ces coups de frein sont dues surtout à un manque de réflexivité globale découlant du cadre néo-liberal. Ce n'est pas faux, mais n'oublions pas que toute réflexivité s'organisant autour d'une syntaxe instrumentale aura pour effet d'oblitérer la place de la non fonctionnalité (ceci au nom de l'urgence, de la lutte contre les gâchis, de la cohérence d'une politique, de la responsabilité des acteurs). Il n'est d'ailleurs pas exclu que la rationalité soit requise pour régler certaines situations conflictuelles relativement simples. Cependant, on n'oubliera pas qu'en l'affaire, la vanité humaine s'exposant à proportion du besoin de reconnaissance de chaque acteur, l'histoire valorise souvent outrancièrement la rationalité, et sous estime le rôle des hasards et des incongruités.




Vendredi 28 Novembre 2014 - 14:07
Mardi 16 Décembre 2014 - 15:50
Denis Duclos
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