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Qu'est ce que la Géo-Anthropologie ? Qu'est-ce que l'anthropologie pluraliste ?


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médiocrité (en sciences sociales) :
La "médiocrité" 'au sens ancien "d'état moyen" (comme Bourdieu parlait d'art moyen pour la photographie) est un trait essentiel des sciences sociales, pour autant que, situées sans toujours le savoir sur le parcours de forces concourant au pouvoir, elles ne peuvent que très difficilement y résister, là où dans les sciences qui promettent la bombe absolue, la martingale ou le gène de l'immortalité, les pouvoirs doivent attendre à la porte du laboratoire que les génies se soient librement entendus sur des résultats patents.

La médiocrité en sciences sociales consiste finalement à ne pas répondre aux grandes questions concernant l'humanité, et demeurées irrésolues : Quel est « le propre de l'homme » dans le règne animal et dans la nature ? L'Homme est-il "bon", ou irréductiblement mauvais ? Qu'est-ce qui est mauvais en l'Homme ? Qu'est-ce que la culture humaine ? Qu'est-ce qu'une société humaine ? Comment définir l'état actuel de l'humanité au regard de son histoire et de l'évolution dans lesquelles elle s'inscrit ? Comment et jusqu'à quel point peut-on prédire l'orientation des transformations qui l'affectent comme espèce et comme culture ou rencontre de cultures ? La culture mondiale coextensive à l’espèce humaine est-elle supportable ? Peut-elle répondre aux différents penchants humains ? Est-elle compatible avec la pluralité inhérente à la démocratie ? Etc.

Notons que la "mediocritas" sans vertu est un trait plus général de l'académisme que les grands esprits du passé ont toujours fui : de Hobbes à Descartes, de Rousseau à Arendt, tout ce qui a pu se penser d'un peu fort, d’un peu vertueux en science de l'Homme (tout comme en science de la Nature) a toujours été réalisé hors de la machine académique ou à sa marge, jusqu'à ce que, devenue vraiment universelle, elle absorbe toutes les existences consacrées à la pensée, en les pliant à son chantage médiocritaire (paradoxalement au nom de "l'excellence", cette notion précisément concoctée par le « médiocritariat »).

Si l’on suit la métaphore économiste (pas toujours idiote, bien que très tentée par la comptabilité), la dictature du médiocritariat sur l’université au nom de l’excellence comptable finit par se payer en défiance généralisée de la société à l’égard des institutions d’enseignement et de recherche. Cette défiance est moins due au ralentissement du rythme des découvertes et des apports intellectuels qu’à la prise de conscience sociétale qu’un affaiblissement routinisé de la capacité de penser et de prévoir, d’interroger et de répondre n’est pas un bien, mais plutôt un mal.

La médiocrité en sciences sociales se réalise le plus souvent dans l'inconscience totale de ses acteurs (qui se pensent toujours sincères, travailleurs et vertueux) par huit voies finalement convergentes :
l'esprit de sérieux scientocratique, le pédagogisme infantilisateur, l'alignement, le louvoiement, la diversion, l'insignifiance, le silence, et, en dernier recours, la disqualification.
Quant aux modalités de la recherche "alignée", nous pouvons distinguer plusieurs stratégies :
-L’esprit de sérieux scientiocratique a pour objet de chasser du champ des débats légitimes tout ce qui relève d’un contenu significatif et plein d’enjeu. Il substitue la forme au contenu, le compte à la pensée, parce que son but social est d’organiser le milieu d’enseignement et de recherche comme un marché de valeurs à comparer, dont la seule « monnaie » possible finit par être d’une part les horaires et d’autre part les statistiques produites pendant ces horaires. La raison ultime de cette élimination de tout contenu réel est que la souffrance générée par la jalousie entre les producteurs de discours savants ne peut être diminuée que par la suppression de la croyance dans leur propre créativité comme dans celle de leurs collègues. Et comme la majorité organisable desdits créateurs est plus sensible à la diminution de cette souffrance que capable de l’endurer héroïquement en continuant à débattre, elle dérive nécessairement vers l’annulation de tout contenu, et la transposition du débat sous forme de comparaison quantitative des horaires et des comptages réalisés pendant ces horaires. Il semble qu’il n’y ait aucune solution à cette dérive sociétale autre que la formation volontaire de petites solidarités entre chercheurs acceptant volontairement de renoncer à leur narcissisme absolu au profit de quelques amis, dans une démarche « zététique », qui serait aussi celle de la congratulation mutuelle. Celle-ci ne peut être reconnue ni promue par l’université qui est par nature une machine à socialiser les valeurs de cognition et de culture. Ainsi, l’université mondiale fonctionne-t-elle autour des prix Nobel attribués à une poignée (même se ce sont des imbéciles monétaristes), ou des classements décernés par des agences de notation cognitive, qui, par définition, n’élisent que quelques entités ou personnes, renvoyant la grande masse des professionnels à l’anonymat. Au contraire, de petits groupes autonomes se construisant sur une passion commune peuvent, à force d’efforts altruistes méritoires, former des mondes de reconnaissance satisfaisants et proches de la vie.
-Le pédagogisme infantilisateur est généralisé de par la fonction sociétale de l’université qui est essentiellement celle d’une garderie de jeunes adultes. Il résulte aussi du fait que le rabaissement des sujets jeunes par rapports aux sujets plus anciens est l’une des solutions les plus universelles au problème de la jalousie. On demande aux Jeunes d’attendre et d’écouter les Anciens (ou de faire semblant en les citant à bon escient) avant que d’obtenir le droit d’une reconnaissance directe. Cette reconnaissance prendra à son tour la forme d’une écoute contrainte de leurs cadets dans le cadre d’un cours obligatoire. L’infantilisation résulte mécaniquement de la position que doit prendre le Jeune en attente et en demande. Elle ne se perçoit pas elle-même comme telle, d’une part comme habitus acquis depuis l’enfance avec les adultes de la parenté, et d’autre part comme élément logiquement indispensable d’un processus d’attentes et de passages temporels. Les individus doués (n’en déplaise à Bourdieu) qui doivent subir cette imbécillisation conventionnelle sont généralement éjectés en cours de route, ou en rajoutent en ruses crapuleuses, qui leur resteront ensuite comme habitus fatal.

-L'alignement direct : Il est rare parce qu'un courage (ou une folie) y est effectivement demandé : une fois le conseiller du prince mis au rancart, il ne trouvera plus jamais d'amis au sein du milieu académique (lâchement rancunier). C'est ce qui guette par exemple tel philosophe devenu ministre, mais aussi une série d'intellectuels "de gauche" utilisés un temps par l'Elysée.

-L'alignement indirect est plus fréquent et plus sournois : il se contente d'une production d'ouvrage ad hoc, qui tombe chez le libraire au moment où le journaliste rencontre le problème. Il est, de plus, largement inconscient, car il fonctionne un peu comme une série de tapis roulants en parallèle produirait finalement une grande accélération. Par exemple, un professeur d’économie peut avoir le sentiment d’être « objectif » quand il reconnaît la complexité de l’industrie financière. Mais il n’a aucune conscience que cette position finit par être totalement divergente du sentiment populaire selon lequel ladite industrie n’est qu’une bande de voleurs arrachant l’essentiel des richesses aux peuples en induisant leur endettement exagéré. Un professeur de sociologie peut avoir le sentiment d’être sensible aux conditions de travail des salariés de la confection, alors que le moindre des mendiants qu’il croise sans voir en allant sur son « terrain » le considère simplement comme l’un des robots humains qu’il a quittés, bon gré, mal gré, pour (mal) assumer une solitude terrible. Etc.

-L'alignement théorique est le plus habile en apparence. Soit l’on colle à la roue d’un auteur pour se cacher derrière sa renommée assurée (comme un galeriste derrière le nom d’un artiste très côté) et l’on ne prend aucun risque de toute sa vie, tout en pouvant impunément attendre au fusil à gros sel tout effronté incompétent venu sur son terrain « dire des bêtises ». Soit, au contraire, on assène brusquement l'annonce d'une découverte géniale : la discipline s'est trompée totalement et depuis longtemps avant elle, et l'auteur s'arroge le mérite d'être un visionnaire et un hardi réformateur de son domaine. En réalité, il ne fait que se saisir du concept à la mode (mondialisation, par exemple) pour se placer en posture de juge de ceux qui l'ont précédé, de préférence en dévoilant les secrets de famille les plus sales possibles : et si Freud avait été pédophile, et en plus nazi ? Et si Marx avait été nécrophage ? etc..
-L'alignement sémantique est probablement le plus terrifiant, car il n’est pas assignable à une personne ni à un narcissisme d’auteur : il passe d'un auteur à l'autre, et, anonymement, rectifie progressivement la position de toute une profession, parfois autour de notions ou de formules franchement inhumaines et qui s'ignorent comme telles.
-L'alignement endogame : on se cite et se congratule mutuellement, mais pas du tout parce que l’on aime ce que font quelques autres : seulement parce qu’on a construit un dispositif de renvois de monte-plats, et que, par un effet de levier assuré, on finit par occuper ensemble tous les postes (éditoriaux, professoraux, territoriaux etc.) qui donnent l'impression que tout le champ est couvert. Il est effectivement couvert de mé...diocrité. Pire, il s’y produit un effet de convention et d’interdit automatique des pensées et des questionnements divergents. Il s’y produit aussi un alignement sur des systèmes de gourous (chefs de rubriques, bernicles de rocher à France-Culture, Normal-direktors de collections intellectuelles, comités de censure de revues officielles, etc.) , qui comme dans Mondovi..no, font la pluie et le beau temps sur tout ce qui peut se dire et ne pas se dire, se boire et ne pas se boire, et obligent le moindre impétrant à se courber sous leurs fourches caudines, voire à se couler dans leurs étroits entonnoirs.

-Le louvoiement : il peut découler d'une suite d'alignements dans des directions différentes. Au nom d'un droit à l'erreur et d'une dignité de l'autocritique, on enfile les changements de paradigmes.
Il peut aussi résulter d'une ambiguité constante, permettant d'interpréter les propos savants dans plusieurs sens simultanément, chacun utilisable au meilleur moment de la conjoncture. Il faut être évidemment brillant pour maîtriser ces variations virtuoses. Mais cette virtuosité n'apporte rien à la discipline qui s'en trouve plutôt diluée et ralentie, voire encombrée. En revanche, le navigateur peut finir au Conseil d’Etat, et pourquoi pas tête de liste du PS.

La diversion : elle prend à son tour plusieurs formes : nous distinguerons ici l'algophrénie, la minusculite et la catégoriose.
-"L'algophrénie" (ou maladie socio-compassionnelle). On exhibe une solidarité très médiatique avec "'ceux qui souffrent" (émigrés, chômeurs, sourds, prostituées, femmes violées, enfants-victimes, malades du sida, clochards, détenus, etc.). Bien entendu, ces catégories sont légitimes et les approches sont parfois "revigorantes", mais on s'interroge peu sur le motif déclenchant la recherche : est-ce seulement la sensibilité du chercheur ? N'intervient-il pas aussi souvent dans la volonté de "toucher" immédiatement un public un découragement devant la tâche d'expliquer comment la catégorie "qui émeut" est partie-prenante d'un système qui produit aussi toutes les autres ? La conviction de ces chercheurs d'échapper à la médiocrité de la discipline en désignant des "réalités poignantes" est certainement respectable : mais il faut avoir l'aplomb de leur répondre que cet appel ne comble pas le déficit de compréhension -toujours à la fois intime et global- qui caractérise les sciences sociales. Ce n'est pas l'existence de ces recherches qui pose en soi problème : c'est le fait qu'elles ne sont pas relayées par des approches moins catégorielles.
-La "minusculite" (tendance à s'intéresser à des objets inintéressants , secondaires, parcellaires, ordinaires, mineurs, etc.., sous prétexte qu'ils sont ordinairement négligés (un peu comme les catégories "en souffrance'). En réalité, elle creuse l'angoisse, car plus elle veut prouver que là est l'important, et plus elle laisse entendre combien nous sommes littéralement piégés -pour le moindre de nos gestes- par les déterminations globales. La minusculite prend donc aisément la place d'une véritable "émiologie" (travaillant au service du résistant Familier contre l’occupant Sociétal). La minusculite tend d'autant plus à envahir le champ des sciences sociales que se trouve de fait prohibé ou déconseillé l'abord frontal des grands problèmes. A ce prix, le sociologue finit comme bibelot sur l'étagère du bourgeois lettré, ou comme articulet dans le magazine cher à la "ménagère de cinquante ans".
-La "catégoriose" : grand classique des sciences sociales (qui ont toujours usé de ciseaux pour découper dans le social des groupes "pertinents"), elle semble reculer quelque peu. On rencontre encore assez massivement des sociologies ou ethnologies définies par la reconnaissance "évidente" de leur objet : ouvriers, bourgeois, journalistes, avocats, salariés, infirmières, parlementaires, pilotes, travailleurs, pauvres, riches, marchands, traders, etc, etc. Ces approches classiques ne sont pas soumises à une critique fondamentale : le fait absolument frappant qu'il s'agit toujours de catégories spontanées, directement assumées par les acteurs ou perçues par les autres, n'est jamais analysé comme effet projectif de la construction permanente de la société comme une grande machinerie catégorielle. Ce qui serait remettre en cause immédiatement la discipline qui contribue à cet effet. D'autre part, comme dans l'approche socio-compassionnelle, (et comme naguère dans l'ethnologie) on s'installe dans cette fiction, au point qu'on croit réellement dégager des vérités humaines, alors qu'on ne fait que décliner la suite des significations obligées par les systèmes ainsi consacrés. Certes, c'est l'objet même des sciences sociales que d'interroger les catégories. Mais si nous ne commençons pas par nous demander comment nous produisons l'opposition riche/pauvre, ou l'ensemble sémantique qui finit par inventer "le journaliste", comment pouvons-nous imaginer pouvoir dire quoi que ce soit d'important -et de durable- sur la société ?
L'insignifiant est différent du minuscule : il s'agit de vider tout sujet intéressant de sa substance et de sa vitalité. C'est l'orientation classique de l'universitaire qui rend "sérieux" n'importe quoi, surtout le rire ou la fête. En général, il suffit de pondre le gros ouvrage de méthodologie ou d'histoire de la discipline qui va accabler deux ou trois générations d'étudiants. C'est le rôle dévolu traditionnellement au Normalien, dont l"âme a été tuée dans l'oeuf par l'apprentissage de la mort dans la vie qu'est la grande école d'Etat (mais aussi bien la grande techno-université américaine). La mortification volontaire apparaissant comme une obligation éthique et citoyenne, chacun doit en passer (sous peine de crise névrotique) par la lecture de centaines de pages d'un ennui absolu. Tout y est passé au crible, sauf, bien entendu les oeuvres et auteurs qui pourraient réveiller le cadavre ambulant, et le faire tomber de son poste de "responsable".
Appartient au genre de l'insignifiance, la "quantophrénie" pointée il y a soixante ans par Pitirim Sorokin, mais il est remarquable que plus la folie des chiffres apparaît finir en endettement sans fond, et plus l’angoisse saisit tout le monde de recourir aux chiffres. L’insigifiance se double alors d’une névrose se répandant en pandémie bien au-delà des sciences sociales.

-Le silence est l'arme essentielle de l'alignement et du louvoiement : on ne parle tout simplement pas des ennemis ou des "divergents" ! Le silence sur les auteurs haïs évite aussi le conflit, et surtout la conversation que l'on redoute plus que tout. Mais ce n'est pas le pire, comparé au silence concernant les grandes questions pendantes de la discipline. Celui-ci finit par produire un véritable obscurantisme volontaire, soutenu par les dispositifs institutionnels où s'inscrit la profession (ce que montre Kuhn pour l'histoire des paradigmes scientifiques). Demandez à des sociologues de la richesse et de la pauvreté ce que signifierait être pauvre ou riche dans une société écologique, vous appellerez le grattage de tête. Mais si vous leur demandez en quoi richesse et pauvreté appartiennent "au propre de l'homme", il est probable que vous aurez droit à la réponse totale : sourcils haussés, yeux légèrement exorbités, sourire vague.

Dans la mesure où la disqualification exige une posture de juge, elle met en avant l'auteur et présente un certain danger. C'est pourquoi, en dehors des moments où l'on peut hurler avec les autres coyotes (ou chiens d’appartement) universitaires, le disqualificateur se concentre sur des thèmes où il (elle) est sûr(e) d'obtenir le soutien public.

Une modalité encore plus « habile » consiste à accuser l'objet d'être "bien de son temps", ce qui donne au disqualificateur une touche de mérite "résistant" supplémentaire. C'est frappant dans nombre d'études portant sur... des résistances sociales effectives (groupes religieux, sectariens, ou "localismes", par exemple).

Voir aussi : crise (de la science), sciences sociales , sciences humaines, Bourdieu, conflictualité et non cumulativité dans les sciences humaines et sociales, antagonism, agonism

métaphore :
Contrairement à ce qu'en font nombre de linguistes et de grammairiens, la métaphore est l'acte politique par excellence : elle consiste à proposer à l'attention d'autrui quelque chose de "supposé très réel" mais d'encore peu ou mal perçu que l'on rapporte à une chose plus familière. Ce geste verbal est à la base de toutes les mobilisations humaines. Pour se réaliser, la métaphore a besoin d'un référé (la chose pointée), de référents (les choses familières qu'on n'a pas à définir mais à évoquer), d'un système de symbolisation (les règles de l'énonciation permettant d'être compris), et enfin de procédés expressifs aidant à la compréhension en l'absence de règles. La conversation se déroule en général parce que les interlocuteurs aménagent ou contestent la proposition d'un de ses quatre côtés : ils mettent en cause "la chose même" ou son existence, le modèle auquel elle est référée, la correction des signifiants utilisés, ou encore la capacité de conviction des expressions.Une métaphore énoncée par un sujet comporte toujours un accent, une privilège associé à l'un des aspects de cette métaphore. C'est ce privilège qui sera contesté par la personne répondant à la proposition d'un autre point de vue. En un sens, tout acte métaphorique est "performatif" parce qu'il s'engage fermement sur l'un de ces aspects. La discussion en elle-même va révéler et préciser ces engagements en transformant la métaphore elle-même en conversation. Par exemple, si je soutiens que "cette société doit respecter davantage ses membres", je vais être contraint par mes interlocuteurs de préciser ce que j'entends pas société, respect, membres. Si je suis obligé de me référer à l'explicitation de ma métaphore en recourant à la "famille" pour donner un exemple "du respect de ses membres", je dois alors me justifier de l'emploi du mot "famille", mais je peux aussi bifurquer et décider de préciser le respect dans le sens d'un droit formel, etc. A chaque séquence conversationelle, je suis amené à choisir de m'identifier à un moment préféré de la métaphore. Au bout d'un moment, je puis m'identifier au moment "sentimental" de la métaphore (autour des images de l'amour maternel, par exemple) et m'opposer alors à celui qui déclinera le respect en termes d'égalité des chances, voire de niveau de revenu. Mais dans cette opposition entre deux personnages, l'un sentimental l'autre comptable, nous ne faisons que théâtraliser une contradiction interne à la métaphorisation elle-même. Et nous devenons dès lors des protagonistes d'une scène où par exemple, un Clifford Geertz s'oppose, au nom de la culture comme oeuvre indigène, à un Claude Lévi-Strauss comme grammairien des cultures. On nous demandera alors de choisir à quel héros nous vouer. Et si nous souhaitons échapper à ce choix, il ne nous restera que peu d'alternatives : aller vers Clastres, et son refus de l'Etat, ou encore avec Louis Dumont, admirer la Hiérarchie ? Certes, on peut se tromper sur les auteurs utilisés comme signifiants pertinents des pôles de l'opération métaphorique, (et remplacer, en prenant des risques académiques, Geertz par Michel Boccara nous proposant carrément de revivre l'expérience totémique en direct), mais on peut parier néanmoins qu'en s'ajustant progressivement à la structure d'opinions du peuple des anthropologues, on finirait par obtenir une division en armées du savoir, qui pourraient avantageusement être comparées aux divisions en sections des sociétés dites primitives. Et tout comme dans ces dernières, il est fort probable que les protagonistes ignorent complètement qu'ils se font simplement les enseignes d'un aspect de la Métaphore : son référé, son référent, son "vécu" et sa règle d'énonciation. Peut-on avoir un point de vue global sur l'acte métaphorique ? Oui, à condition d'admettre que l'acte dont on parle ne se bouclera jamais sur une pure définition, tout comme quelqu'un qui doit rendre compte d'une conversation, doit se faire le secrétaire d'un processus que, par définition, il ne contrôle pas (d'où la tentation de devenir secrétaire...général !).
Voir aussi : Koinologie, tétrapôle, Familier, conversation culturelle

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