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L'écologisme : entre une nature sans mouvement social, et un mouvement social sans nature ?

La date de ce texte est indéterminée. Probablement le milieu des années quatre vingt dix.



Au moment où les déséquilibres écologiques planétaires apparaissent dans toute leur amplitude aux scientifiques et aux autorités politiques d'un nombre croissant de pays, on peut constater que le mouvement écologiste, qui prononça les premières mises en garde il y a une dizaine d'années, se trouve placé largement (sauf exceptions importantes) à l'écart des dénonciations actuelles. Comment expliquer cet apparent paradoxe?

L'auteur propose de justifier ici l'explication suivante: la question technologique signale l'une des limites de l'activité politique dans la modernité, tentée par la division fonctionnelle des compétences. En ayant cherché à affronter cette question, l'écologisme a incarné cette crise du politique: ou bien il restait dans le domaine de compétence de celui-ci, et devait alors parler de justice sociale, d'équité, de partage; ou bien il tentait d'exprimer les réalités du risque de nuisance, et alors il empiétait sur le domaine du scientifique, de l'ingénieur et de l'administratif, entrant dans une spirale de débats d'expertise, qui l'éloignait toujours davantage de la mobilisation militante. Or, cette contradiction que rencontre aujourd'hui tout politique face à la "scientifisation" du politique, (pour reprendre l'expression célèbre d'Habermas), l'écologiste la voit se redoubler d'une autre, qui le le concerne plus spécifiquement : la Nature se clive en effet pour lui entre une "nature concrète", divisée en nombreuses pratiques spécialisées (pêche, chasse, cueillette, observation, sports de plein air, tourisme vert, randonnées, survie douce, etc), et une "nature métaphysique", qui n'est autre que le problème philosophique général de la place des identités humaines dans la matérialité . Or , de même que le citoyen politique éprouve des difficultés à raisonner en termes de profession segmentée, de même l'homme-philosophe qui réfléchit sur sa résistance à "l'anthropisation" de la planète, n'a que peu à échanger avec l'homme-usager de biens dits "naturels". Son angoisse globale se traduit mal dans l'hédonisme pratique des bénéficiaires des parcs nationaux, tout comme la question démocratique se résoud mal dans les fonctions techniques spécialisées.

Le blocage découlant de cette double contradiction a des effets qui dépassent de loin la figure du militant écologiste: c'est pourquoi il est important d'en comprendre les mécanismes. En effet, il existe un lien entre le problème de la démocratie ( posé par la politique) et le problème de la nature où s'inscrit l'homme. Si comme le dit F. Guéry, les êtres humains peuvent apparaître "en trop" par leurs productions industrielles (polluantes) comme par leur présence démographique, c'est que nous refusons l'idéal teilhardien d'un monde "anthropisé", où la césure même entre culture humaine et nature serait abolie. Or, maintenir une cosmogonie où homme et nature se font face, se menaçant réciproquement, c'est aussi maintenir légitimes les identités de pouvoir et d'action, de savoir et de puissance, (si bien décrites par M. Foucault ou E. Canetti). Seuls se déplacent les objets et les victimes désignées de ces pouvoirs légitimés (peuples sous-développpés tenus pour irresponsables, par exemple) tandis que les industriels et les administrateurs des nations développées pourraient passer sans transition de leurs comportements passés à un rôle vertueux, source d'activités à la fois "propres et rentables". Au contraire, admettre le continuum homme-nature dans les deux sens, (soit artificialisation totale de la nature, soit "naturalisation" totale des techniques et des cultures), c'est enlever tout sens aux mobilisations agressives de pouvoir "contre" les agents d'évolution des équilibres. Mais cela n'interdit pas, en revanche, de mettre le doigt sur tel ou tel problème concret de pollution nuisante par tel industriel (le cas des CFC), ni même de pointer tel out tel effet local incontestable d'un déficit de ressources précis par rapport à une projection démographique. Le changement essentiel entre les deux perspectives n'est donc pas dans le détail des constats de nuisance ou de déséquilibre, mais dans l'écho, le climat plus ou moins dramatisé, et donc plus ou moins favorable à la remobilisation de masses dirigées "contre" des symboles d'inimitié et de menace. C'est peut-être parce que l'écologisme a travaillé il y a déjà quelques années les conséquences d'un tel choix cosmogonique qu'il a "complexifié" la notion de nature, celle d'éco-système, etc, qu'il a été conduit à envisager avec prudence, puis à délaisser pratiquement le thème de la menace globale, presqu'aussi dangereux et instable que l'objet (réel) qu'il désigne.

Cependant l'écologisme n'a pas pour autant conduit cette réflexion à des conclusions bien articulées : il a surtout évité la dramatisation à partir de la logique euphémisante des candidatures politiques. La logique de la politisation a également conduit à abandonner d'autres terrains : celui de la précision des revendications liées à l'usage pratique "des" natures. celui de la précision des luttes spécialisées (donc nécessairement techniques et scientifiquement étayées) sur tel ou tel dossier de pollution concret. C'est pourquoi, au lieu de servir de "cheval de troie" aux forces cherchant un renouvellement du politique dans son incapacité à traiter du technologique et de ses effets, et aux forces cherchant à renouveller "l'alliance" homme-nature sur des bases nouvelles, tenant compte de l'anthropisation inévitable de la matière (dans notre région de l'univers), l'écologisme s'est trouvé jusqu'à présent coincé à la croisée des chemins, voire tenté par les régressions par les utilisations les plus diverses, des nationalismes aux stratégies de puissance.


Il est difficile de traiter l'écologisme comme un milieu social ou professionnel analogue aux autres. Nous l'associerons plutôt ici à l'idée d'une reconquête des modes de contrôle du risque scientifique et technique par la société civile. Certes quelque peu volontariste, cette sélection de l'un des sens possibles d'une mouvance protéiforme permet d'en accuser les reliefs, et de donner un sens à des paradoxes où l'observateur peut facilement se perdre. En effet, à chacune de ses réapparitions depuis la naissance de la société industrielle, l'écologisme paraît suivre un cycle de métamorphoses: il se manifeste d'abord comme un idéal diffus de défense de la nature, puis il se clive en composantes distinctes, bientôt opposées. Le conservationnisme rassemble les producteurs et les usagers de la nature (ingénieurs-forestiers, pêcheurs, chasseurs, observateurs, etc.) dans une revendication pragmatique de la gestion patrimoniale. S'en séparant, l'élan militant qui a recours de période en période à la critique technologique se déploie lui-même en plusieurs directions: pôle "sanitariste" qui -des quakers ou de la tradition "health food" aux Etats-Unis, à M. Mésségué ou Rika Zaraï en France- se consacre aux rituels de la vie saine, à la décoction des "simples", à l'alimentation et aux moeurs "naturelles"; pôle moral ou utopiste soutenant les retours à la nature de communautés néo-rurales, mais pouvant également tourner à l'eschatologisme religieux, à l'intégrisme lié aux vertus terriennes néo-pétainistes, aussi bien que s'associer aux visées libertaires ou même à la violence terroriste; pôle politiste, soit progressivement absorbé dans le personnel de grands partis comme en France, soit structuré distinctement comme en Allemagne. Enfin, pôle professionnel se faisant une spécialité dans l'expertise des risques naturels, au service d'actions de justice, d'éducation, ou d'interventions parlementaires.
Pourquoi cette diffraction apparemment inéluctable du risque, mais aussi pourquoi ces retours réguliers à la crainte sacrée de la perte du naturel, comme seule référence d'unité possible?
En fait, la nostalgie d'une naturalité perdue et tenue pour radicalement distincte des activités de la modernité, se présente, ainsi que nous l'avons supposé en première partie de ce livre, comme une composante de la culture moderne, comme un complément indispensable au discours sur la "liberté" de produire et de transformer le monde par le savoir. L'imago de la Mère Nature donne l'impression de surgir d'un passé révolu ou menacé, mais elle se constitue surtout à partir du point où des sujets se donnent pour objet l'exploration systématique et scientifique du monde. Or cette liaison fondamentale entre modernité et idéal de la nature peut précisément se faire sentir dans l'oscillation qui traverse la nébuleuse écologique, entre un mouvement de fragmentation de diverses fonctions (professionnelles, militantes, commerciales, idéologiques, etc.) finalement assez bien intégrées à la société actuelle, et un mouvement inverse de communion implicite dans la peur d'une destruction généralisée.
Et pour l'observateur, la seule façon de ne pas se prendre lui-même à cette dialectique circulaire est d'éviter d'adhérer trop fortement au mythe naturaliste, en considérant ce qui, dans l'écologisme, renvoie plutôt à une maturation de la société moderne dans ses formes de gestion collective des périls. Le balancement entre célébration de la peur commune (pour la survie de la planète, par exemple, à l'horizon symbolique de l'an 2 000) et diffraction des pratiques écologistes les plus diverses, prend alors une signification différente: il indique un progrès hésitant vers une "démocratisation" de la conscience des risques globalisés, et montre du même coup les fausses pistes, les pièges et les obstacles internes ou externes qui le freinent ou le menacent. Ainsi l'écologisme, saisi d'un côté comme forme épurée de l'hésitation caractéristique de la modernité entre le passé et le présent, la nature et sa transformation,etc., devient-il également signe des tentatives d'aller au delà, vers une réconciliation future des avancées techniques et du pacte social symbolique (que la démocratie représente assez sûrement, même si l'on doit garder à l'esprit qu'il n'existe pas d'ordre humain parfait).
C'est pourquoi nous proposons d'ordonner ici une réflexion du l'écologisme à partir de deux questions principales:
- Qu'est-ce qui, dans l'écologisme, correspond à un projet de réappropriation civique du contrôle des risques de société ?
- Quels sont les principaux freins qui s'opposent, dans la société et dans le mouvement écologique lui-même, à la réalisation d'un tel projet ?
A. Le projet écologiste pour un contrôle socialisé des risques.

On peut saisir ce qui, dans l'écologisme tend vers le civisme technologique, au travers de quelques aspects caractéristiques, et particulièrement: le rôle décisif qu'y a joué un militantisme local à visée décentralistatrice; la capacité de transformer les revendications sur l'environnement et la consommation en interventions réglées dans une négociation institutionnelle du fait de contre-pouvoirs analogues au syndicalisme; la volonté de rendre accessible à la majorité la discussion experte sur des technologies complexes; enfin, le projet de traduire dans l'expression politique une réflexion aussi cohérente que possible sur la société technologique de l'avenir. Rappelons comment se manifestent ces dimensions, avant d'examiner les forces de déformation et d'inhibition qui s'y sont appliquées ces dix dernières années.

1. Le "localisme" écologiste.
La constitution de la nature en objet de revendications et de droits collectifs a été notoirement liée depuis les années soixante à l'émergence de multiples mouvements locaux ou de structure décentralisée, en particulier aux Etats-Unis. Les associations "grass-roots" (de base) plus radicales que les associations nationales mais aussi plus éclectiques et plus diversifiées dans les objectifs et les méthodes, ont obtenu des résultats pratiques étonnants dans ce pays. On peut ainsi dire que les groupes d'intérêt local ont été aux Etats-Unis le principal facteur de ralentissement du programme nucléaire en s'opposant à un nombre considérable d'implantations de centrales, lutte qui est aujourd'hui relayée par la résistance au choix de sites centralisant les déchets radio-actifs. Par ailleurs les points d'attaque de la protestation sont devenus plus nombreux et plus précis, acquérant une dimension politique au plan local. Les campagnes électorales ont commencé à introduire ce thème de la critique des industries nuisantes , et surtout la dénonciation de leurs manoeuvres pour freiner les politiques régionales de protection de l'environnement .
En France également, la levée du mouvement écologiste s'est faite à partir de multiples associations locales et de leurs alliances. De 1964 à 1971, alors que le développement des équipements interurbains et des industries nouvelles se rapprochait des sanctuaires naturels, on assista à une soudaine augmentation du nombre des comités de défense pour le sauvetage de sites. Il se créa de nouvelles sociétés locales ou régionales comme la SEPANSO (Société d'étude de protection et d'aménagement dans le Sud-Ouest, ou la FRAPNA (Fédération Rhônes-Alpes de protection de la nature.) En 1968, l'ancienne Société de Protection de la Nature se retrouva au coeur d'un ensemble fédéré sous l'appellation Fédération Française des sociétés de protection de la Nature (FFSPN), regroupant de nombreuses associations locales et régionales, et dont l'intérêt ne cessa d'être tourné vers des objectifs localisés. La toute nouvelle fédération, bientôt accompagnée d'une association de journalistes et d'écrivains pour la protection de la nature (AJEPN) commença son action en défendant le Parc National de la Vanoise (contre des projets d'utilisation comme station de sports d'hiver) avec l'aide de RTL et recueillit 300 000 signatures .
En 1979, les organisations officiellement reconnues par le ministère de l'Environnement étaient 250 au niveau national, et 879 au niveau local. Si l'on soulignait alors le caractère apolitique des mouvements de défense du cadre de vie , on observait en même temps que la prolifération des associations loi 1901 (300 000 au milieu des années soixante-dix, avec un taux de création de 22 000 par an) était le signe d'une frustration dans le mode de participation de certaines catégories à la vie du pays. La FFSPN annonçait alors 100 000 adhérents et des centaines de milliers de sympathisants. Le choix était large entre des groupements assez spécialisés: Nature et Progrès s'affairait sur les questions de nourriture naturelle, la Ligue pour la Protection des Oiseaux luttait pour le maintien de certains marais, l'Union Régionale du Sud-Ouest regroupait 150 associations locales pour la réhabilitation des plages et littoraux, l'association Droits du Piéton était active en région parisienne. Les associations de consommateurs intervenaient aussi de plus en plus dans ce domaine, comme L'U.F.C (Que Choisir) qui dressait l'état de salubrité des plages.
Les municipalités étaient également partie prenante dans un mouvement caractérisé par une inspiration bien localisée. Ce fut le cas, à titre préventif, pour la municipalité de Berre, ou de celle de Rognac dans le contexte de surpollution déjà acquise de l'étang. Le rôle de la ville de Béziers dans l'articulation des revendications concernant l'usine de fabrication d'aldicarbe, la Littorale, fut décisif à plusieurs reprises. Pour des raisons politiques plus larges, la ville de Grenoble à travers son maire A.Carignon, fut amenée à contrôler de façon plus attentive ses usines dangereuses, réunies dans une cuvette naturelle qui pourrait constituer un véritable piège en cas de pollution aérienne massive. Enfin, des intérêts professionnels locaux on pu également appuyer ou susciter des actions écologiques, tels les marins-pêcheurs s'opposant dès 1970 aux rejets de dioxide de titane en mer du Nord par l'entreprise Tioxide à Calais: lutte légaliste sans fin qui se continue encore aujourd'hui. En revanche, celle qui opposait les pêcheurs corses à la Montedison pour des raisons analogues, s'acheva par l'arrêt des rejets il y a une dizaine d'année, non sans que quelques plasticages n'eussent lieu, bien dans le style de l'ïle de Beauté.

2. L'accès public aux savoirs spécialisés.
La question de la responsabilité des experts dans la diffusion de leurs propres savoirs, fut également très importante dans la montée de l'écologisme en France et dans son rapport avec un syndicalisme "autogestionnaire". La critique du nucléaire joua ici un rôle emblématique: diffusé en 1975 , l'appel de 400 savants contre l'orientation électro-nucléaire inspira la création du GSIEN, composé d'un certain nombre de physiciens dont plusieurs employés au CEA et à l'EDF, et en liaison avec la CFDT. Bien informés à la source, ils eurent un impact assez considérable sur leurs pairs, tout en contribuant à orienter le débat sur les questions techniques de la sécurité. Aux Etats-Unis également, les scientifiques se spécialisèrent efficacement sur le thème nucléaire. Le groupe Union of Concerned Scientists par exemple, créé en 1969 pour marquer le refus de chercheurs d'être intégrés dans des recherches militaires au Vietnam , conduisit ses propres enquêtes sur l'incendie de la centrale de Brownsferry en 1975, révélant le non-respect de normes fédérales. l'UCS se fit surtout connaître pour sa contestation experte de l'évaluation officielle des dangers des centrales nucléaires, en insistant sur le manque de données concernant la fiabilité des systèmes de refroidissement d'urgence. Ce fut l'UCS qui popularisa la première description d'un accident de criticité comportant une perte de fluide de refroidissement (LOCA), et contraignit les autorités américaines à réviser à ce propos ses évaluations du risque nucléaire .

3. Les formes civiles de la revendication écologiste: "Lobbying" et "Advocacy".
Beaucoup plus connue aux Etats-Unis qu'en France, l'expertise rémunérée (Advocacy) est une autre variante d'activités inscrivant la sensibilité écologique dans la vie civile. Son efficacité, fortement illustrée par les réseaux de Ralph Nader, ne s'est que rarement démentie. Ainsi dans les années soixante-dix Nader a-t-il littéralement structuré l'opposition au nucléaire en coordonnant les mouvements centrés sur des aspects spécifiques: défense des sites et réchauffement des eaux; lutte contre les rejets radio-actifs et polémique sur la relation dose-effets; surveillance de la sûreté des réacteurs et surtout des systèmes de refroidissement (pour lesquels les groupes Nader participèrent à plusieurs dizaines de demandes d'arrêts de réacteurs); critique de l'usage incontrôlé du plutonium; et dans la dernière période, enfin résistance aux choix "irresponsables" d'un lieu d'enfouissement des déchets de longue durée.
L'advocacy, perpétuelle diplomatie entre acteurs, facilitait aussi les passages entre revendications environnementalistes, consuméristes et syndicales. Le réseau Nader témoigne ainsi d'une longue série d'interventions sur les problèmes du travail. Il servit de relais à Washington, ou d'assistance juridique aux syndicats de salariés, à de très nombreuses reprises. Ayant soutenu bénévolement l'action des mineurs contre la silicose , R.Nader prit également position pour l'édiction de normes limitant l'empoussiération dans le textile, pour lutter contre la maladie des poumons bruns (brown lung) ou byssinose. Il unit ses efforts à ceux de l'Environmental Defense Fund, et au département de l'industrie de l'AFL-CIO pour faire interdire les flocages à l'amiante dans les locaux de travail , etc... Aujourd'hui, un personnage comme J.Rifkin semble avoir pris le relais de la tradition nadérienne de protestation organisée, dans les domaines des changements globaux ou des effets des bio-technologies.

4.Le projet social et intellectuel.
Le grand mouvement politico-social des jeunes américains dans les années soixante ne se limita jamais au thème écologique stricto sensu. Ce qui comptait, c'était la lutte pour les droits civiques, la philosophie communautariste hippie, les résistances à la guerre au Vietnam, les critiques de l'autorité, l'affirmation des valeurs de la jeunesse etc .. Et la cohérence entre ces projets recoupait plus ou moins la notion américaine de radicalisme . Le thème du droit des minorités et des groupes locaux s'y complétait d'un droit aux modes de vie différents, et le respect de l'environnement en découlait, davantage qu'il n'en n'était une source . En France, le mouvement de 1968 entretenait encore moins de rapports avec l'environnementalisme, même si l'on trouve des critiques des technocrates dans le situationnisme des étudiants strasbourgeois d'Henri Lefebvre . Une littérature composite en provenance des Etats-Unis, mettait certes en relation la critique de la société productiviste et l'idée de qualité de la vie . Mais la mouvance diffuse issue de 1968 ne se laissa tenter -tardivement- par la thématique écologiste qu'en marquant des préférences idéologiques plus larges: anti-autoritaires, et anti-impérialistes ou tiers-mondistes, ce qui resta sensible chez un théoricien comme André Gorz , et apparent dans le choix de René Dumont comme candidat à la présidence de la République en 1974 ( il obtint 2% des voix).
Pour analyser cette enveloppe idéologique de l'écologisme, deux traits caractéristiques s'imposent au regard: l'écologisme a été dans nombre de pays l'affaire de ce qu'on peut appeler des couches intellectuelles. Il n'est pas non plus dissociable d'un phénomène de génération, débutant avec la jeunesse étudiante du milieu des années soixante. Ces deux aspects expliquent en effet assez bien la volonté de rupture dans les styles de vie, la recherche du renouveau, l'amplitude sociétale des projets, ainsi que l'intérêt pour la construction de vastes modèles utopiques correspondant aux propensions de la jeunesse comme à celles de l'intellectualité. De même, la tendance au renoncement à la violence, la préférence pour les variantes morales et théoriques de l'engagement, l'hésitation devant le conflit frontal avec le système, et le ralliement progressif à un idéal de pluralisme démocratique, se sont appuyés sur des comportements courants dans les catégories dites intellectuelles.
Karl Mannheim pensait qu'une génération morale pouvait montrer une capacité à conserver son identité et à exprimer un message important malgré son intégration dans la société . C'est ce qui se passa malgré l'entrée massive des générations étudiantes des années 1965-70 dans l'activité professionnelle et, tout particulièrement aux Etats-Unis, dans les agences d'Etat chargées de la régulation sociale ainsi que dans les syndicats, qui cherchaient à capter le potentiel d'idéal et d'activisme représenté symboliquement par cette génération. Les anciens militants étudiants des années soixante occupaient donc dix ans plus tard des postes assez stables , notamment dans les domaines de l'éducation, des services sociaux, tandis que peu se destinaient encore aux affaires. Ainsi professionnalisée, cette génération afficha sa préférence pour l'affirmation des droits d'autrui: noirs, communistes, etc. Elle fut également favorable à un contrôle de l'Etat sur les questions touchant aux intérêts publics, et se prononça pour une croissance modérée , ainsi que pour un contrôle des choix technologiques mettant réellement en cause les nuisances et les déséquilibres de pouvoirs, ou de ressources économiques .
On a, bien sûr, pu assister à une modification progressive des thèmes unificateurs de cette génération morale, notamment lorsque l'administration reaganienne s'attaqua à ses emplois, la poussant de plus en plus vers le secteur privé. Mais le rejet d'un marxisme gauchisant (S.Aronowitz), ou la remise en perspective dans la tradition individualiste et décentralisatrice américaine (C.A.Reich, D.Bell) peuvent être également lus comme des renforcements de la cohérence interne de l'idéologie générationnelle. L'auto-constitution des "yuppies" par d'anciens leaders étudiants affichant la conformité de leur idéal avec "l'anarcho-capitalisme", s'effectua en effet sans ruptures majeures sur certaines questions du passé (la guerre du Vietnam toujours non réhabilitée) ou certains thèmes comme le respect de l'environnement. D'autres notions, comme celle d'un mode de vie différent n'ont d'ailleurs pas disparu chez les "Young urban Professionnals", mais ont évolué vers celle de "vie saine", renouant avec la tradition puritaine et quaker. La réussite brillante dans les affaires restait donc compatible avec un post-matérialisme en fait très proche des valeurs protestantes classiques selon lesquelles la maîtrise de soi est plus importante que la modification de la nature. Il s'agissait désormais de faire sa vie plutôt que de faire l'histoire, mais la contradiction était bien intériorisée, grâce à l'image d'une génération s'imposant mieux par son style culturel respectueux d'autrui, que par une stratégie partisane .
Selon Serge Moscovici , il s'agissait bien là d'un projet cohérent avec l'idée, travaillée par les intellectuels depuis plusieurs siècles, d'un progrès des rapports sociaux: l'écologisme était le dernier aspect de l'effort entrepris par la société moderne pour s'opposer à ses propres tendances à l'écrasement et à la domination. Après avoir tenté de placer des bornes dans le domaine politique (XVIIIe siècle) puis social (XIXe siècle), cette société cherchait à enrayer l'effondrement de sa base matérielle, en protégeant une nature (physique aussi bien qu'humaine) qui était également lieu de reconnaissance d'autrui.
5.L' expression politique.
Enfin, terme normal des prises de position s'articulant idéologiquement dans une société démocratique, la politisation a été un phénomène significatif de l'écologisme, malgré des limites assez rapidement atteintes.
La surprise créée par l'apparition d'un vote écologiste en Europe dans les années soixante-dix commença par électriser les partis classiques. Partout, il s'agissait alors de rallier une fraction d'électorat hésitant, et les offres se multiplièrent, de sorte que l'influence des idées écologiques s'étendit assez loin au delà du petit noyau d'élus écologistes proprement dit. En Allemagne, les Verts ayant passé le cap fatidique des 5% de votes, puis progressant avec vigueur, le Parti Libéral (allié à la Démocratie Chrétienne au pouvoir) s'empara de nombre de thèmes sur la protection de l'Environnement, en assurant la présence concrète dans la loi et la réglementation. En France, au CDS (avec P.Saint Marc, notamment) ou chez les socialistes, on s'interrogea sur le nucléaire, et l'on prôna la décentralisation de la vie politique. Seul le PCF resta impavide. Néanmoins, cherchant à traiter d'un thème pour lequel les sondages révélaient une grande attraction de leurs jeunes électeurs, les communistes créerent le MNLE (Mouvement National de Lutte pour l'Environnement) qui en prolongea la position de principe favorable au nucléaire, tout en mettant l'accent sur la sécurité dans la recherche de sites d'enfouissement des déchets. Cette création n'alla d'ailleurs pas sans contradictions, notamment à propos des pluies acides, car dénoncer les photo-oxydants revenait à dire que les communistes français acceptaient la critique allemande "mettant en difficulté les constructeurs automobiles français" , mais se focaliser sur le dioxyde de soufre, les conduisait à critiquer la politique énergétique d'EDF-GDF (habituel objet de tabou pour ce Parti) et dénoncer le soutien du charbon qu'ils revendiquaient par ailleurs.
Les écologistes, une fois inscrits dans le dispositif politique, modifièrent également leur perception des choses. Comme le remarquait en 1982 M.Jenkins, de la Fédération des Parcs Nationaux, dans la conjoncture ouverte par le (premier) gouvernement de Gauche, "le pouvoir a été ouvert à de nouveaux notables venus des mouvements associatifs", qui furent amenés à pondérer leurs revendications propres par des thématiques plus larges, tels les idéaux du pacifisme et du désarmement en Allemagne, ou ceux de la justice sociale en France. Ainsi, après que la Confédération Ecologiste se fût fondue en janvier 1984 dans le parti des Verts, les thèmes politiques ("travaillons tous, vivons mieux, gaspillons moins." ) retrouvèrent de classiques accents, tel le très ancien projet de compensation et d'égalisation des salaires (allocation universelle). Et ces choix, donnant l'impression d'une volonté de traitement du chômage face à l'immobilisme de facto des grands partis, ne furent sans doute pas étrangers à un affermissement des perspectives de votes, passées à 3,8% lors des présidentielles de 1988 sur la candidature d'Antoine Waechter.

B. Les résistances externes et internes à la "démocratisation des risques".

1.L' affaiblissement de la mouvance écologiste.
Des cinq dimensions du civisme écologique que nous venons d'évoquer (décentralisation, déspécialisation du savoir, préférence pour les formes civiles de négociation, volonté de cohérence sociale, politisation) il n'en n'est pas une qui ait été épargnée par des phénomènes de déformation ou de recul, depuis le milieu des années quatre-vingt.
Par exemple, tout en gagnant de l'épaisseur institutionnelle, l'écologisme semble avoir progressivement émoussé son tranchant militant au profit d'une vision gestionnaire . Les volte-face de Brice Lalonde ex-grande figure du mouvement devenue secrétaire d'Etat à l'Environnement (à propos du nucléaire militaire et civil, sur la voiture propre, sur l'inocuité des biotechnologies, etc.) signalent que le pouvoir militaro-technique n'a guère cessé en France de peser de tout son poids pour éviter une discussion publique de ses options. Témoigne aussi du découragement entraîné par l'usure d'une confrontation à ce pouvoir intangible, et de la difficulté grandissante des militants écologistes à maintenir une mobilisation de base sur ces questions: en 1986, il apparaissait ainsi que l'ensemble du monde associatif connaissait une grave perte d'effectifs. Quant à elles, les associations de défense de la nature ne rassemblaient plus qu'1% des hommes de moins de 25 ans au lieu de 6% en 1978, cette déperdition pouvant aller jusqu'à occasionner des difficultés matérielles (comme le montre le cas du déficit financier de la FFSPN). Ce découragement militant va de pair avec un désengagement des personnes ayant un haut niveau d'études, que l'on peut par ailleurs supposer être particulièrement intéressées au contenu intellectuel de l'écologisme en tant que réforme sociétale.
La crise n'a pas non plus épargné la tradition américaine de mobilisation civique. L'efficacité et la capacité relationnelle de l'advocacy semblent s'être payées d'une logique politicienne se construisant de façon opportuniste au gré des procès et des auditions ou des manoeuvres auprès du Congrès, plutôt qu'à partir d'une réflexion volontaire organisée. Bien qu'étayée à l'origine sur l'indignation morale, l'advocacy est devenue (même dans le remarquable cas nadérien) un exemple du retour au professionnalisme se substituant peu à peu à l'inspiration.
Dans le domaine proprement politique, le mouvement des Verts Allemands a également connu, sinon une franche régression, du moins des coups d'arrêt significatifs, que couvre pour le moment le soutien de la thématique environnementale par l'ensemble des médias et des institutions du pays. Aux Etats-Unis, la mouvance environnementaliste n'a jamais pu franchir le cap de l'organisation politique, fidèle en cela à la tradition localiste américaine . En France, le succès écologiste ayant été enrayé dès le début des années quatre-vingt, la classe politique, toujours relativement soudée autour de la défense de la "forteresse technologique" fit part, plus ou moins explicitement, de son soulagement. L'un de dirigeants communistes du MNLE se satisfaisait ainsi en 1984 de ce que l'écologie politique ne "mobilise plus" et qu'elle ait "d'ailleurs sombré dans l'électoralisme." Cette position (qui n'était guère éloignée de l'opinion du RPR L.Bériot parlant alors de l'écologisme comme d'un "appendice desséché de la vie politique" ), semblait en fait assez largement partagée par les partis voyant s'effacer un mouvement qui les avait obligés à tant d'aménagements inconfortables. On pouvait enfin revenir à des questions plus faciles à gérer, comme celle, promise à un brillant avenir, de l'opposition socialisme /libéralisme. C'était toutefois peut-être se partager la peau de l'ours avant de l'avoir tué, les sondages indiquant que la sensibilité publique aux risques de l'environnement ne cessait parallèlement de s'élever (en France comme en Europe), en même temps que l'inquiétude face au chômage.
C'est ainsi que l'écologisme, seul mouvement social et politique à avoir tenté une critique frontale et globale des nuisances technologiques, a été en même temps marqué par une tendance à la dispersion entre objets, styles et idéologies multiples, voire disparates. Contenue à grand peine dans le Parti des Verts allemand, cette inclination s'est largement exprimée en France, encouragée par le refus de la puissance technologique de laisser s'organiser une expression politique, mais aussi aux Etats-Unis, pour la raison inverse d'une réticence spontanée pour le passage au politique. A fortiori dans d'autres pays, l'écologisme a été réduit à servir d'appoint à des revendications catégorielles (comme dans le cas de certains mouvements "nativistes" en Inde), ou de couverture à des mouvements aux objectifs directement politiques (comme la contestation polonaise du nucléaire soviétique après Tchernobyl, élément du rapport de forces global opposant Solidarité au régime en place ).
On a pu donner bien des explications de ce qui a ainsi contribué à réduire ou dissoudre le projet réformateur spécifique des militants écologistes: une saturation du public vis-à-vis de la négativité, le refus de la panique et du catastrophisme, le soupçon d'un totalitarisme caché par le discours idéaliste , la contradiction entre discours et action, la volonté farouche du pouvoir (en France surtout) de mener à bout la réalisation du programme d'équipement électro-nucléaire, etc.. L'hésitation même des militants devant les implications sociales du changement a été interprété par certains sociologues comme un flottement annonciateur de la fin du mouvement .
Mais on peut situer ces explications multiples dans un schéma relativement simple qui tienne compte à la fois du contexte culturel général de la modernité, et des conditions prévalant dans chaque pays: le recul de l'idéal démocratique dans l'écologisme (c'est-à-dire de la restauration du lien social menacé par des percées technologiques trop rapides) tient à la présence dans ce mouvement de la contradiction inhérente à la modernité, entre le désir de libre activité de l'Ego, et la nostalgie de l'autorité, contradiction dont la dénégation peut induire l'hallucination d'un péril extérieur. Et, de fait, trois facteurs essentiels paraissent bien entraîner une déformation ou un dépérissement de l'idéal "démocratique" contenu en filigrane dans l'écologisme: c'est d'abord la réduction de ses revendications aux intérêts d'une catégorie sociale restreinte, "égoïste", économiquement et culturellement isolée; c'est ensuite l'emprisonnement de l'écologisme dans un face-à-face avec la puissance tutélaire, militaire ou industrielle; c'est enfin son obnubilation dans la grande peur moderne de la dénaturation. Abordons successivement chacun de ces facteurs significatifs.

2. Le resserrement de la base sociale.
L'idée que l'écologisme ait comporté un aspect élitiste s'est imposée depuis longtemps aux sociologues américains. Des études sur la composition du Sierra Club et de l'association Zero Population Growth ont montré que les deux-tiers de leurs membres non-étudiants avaient atteint des niveaux professionnels élevés (cadres) et disposaient de revenus supérieurs à la moyenne. Une étude très large conduite par la National Center for Voluntary Action prouvait l'appartenance majoritaire de la quasi-totalité des membres des associations à la catégorie sociale "upper middle class" et complétait ainsi des résultats plus anciens. En France, on a pu observer des tendances comparables: les électeurs ayant voté écologiste en 1978 comptaient beaucoup plus de cadres supérieurs que la gauche (20% au lieu de 6%) et que la droite (13%), et beaucoup plus de personnes ayant une éducation supérieure (entre 28 et 43%) au lieu de 9% parmi les électeurs de gauche et 12% parmi ceux qui votaient à droite. Ils disposaient de plus de revenus classés supérieurs que les électeurs de la gauche et la droite.
Ces connotations sociales de l'écologisme ne semblent pas avoir été sans effets sur les positions adoptées. On a montré que la littérature universitaire, journalistique et militante sur les limites de la croissance ou l'aggravation de la pollution etc, restait étroitement prise dans des a priori culturels identifiables à ceux de la classe moyenne aisée. L'expression des groupes ayant demandé et obtenu le blocage d'un projet de centrale électrique à New York en 1977 était également interprétée comme un langage de "leisure class". Les arguments écologistes étaient souvent utilisés dans les catégories hygiénistes des classes moyennes urbaines. Ainsi, en 1978, la Cour d'Appel Fédérale refusait un plan de la ville de New York pour 160 logements sociaux dans le West-Side, en recourant au terme de "pollution" appliqué au...surpeuplement des écoles que cela induirait . D'autres auteurs ont analysé la profonde déconnection entre les revendications des groupes écologistes et les préoccupations des travailleurs et des couches pauvres . Plus critique encore, J.Ridgeway rappelait que l'"Earth Day" (point de départ officiel de l'écologisme de masse aux Etats-Unis) avait été soutenu, voire convoqué directement par la Maison Blanche, et avait été vécu comme une tentative de réconcilier l'Amérique dans le rêve passéiste et individualiste en oubliant la guerre au Vietnam et la corruption du personnel politique.
Bien que devant être évaluée de façon précise, la stratification sociale n'a donc certainement pas été étrangère à la tentation de dérive affairiste ou institutionnelle qui a pu affecter la mouvance écologiste aux Etats-Unis, en France, au Japon, ou en Allemagne. Il peut également expliquer que la maturation politique de l'écologisme ait été freinée aux Etats-Unis, dans la mesure où l'environnementalisme semble ne pouvoir se développer pleinement comme thème de société que lorsque les questions de solidarité sociale ont été largement traitées par ailleurs, ce qui est effectivement le cas de l'Allemagne ou d'autres pays d'Europe du Nord où l'écologisme a fait sa percée politique .

3. La puissante tentation de l'étatisme.
Présent aux Etats-Unis à travers le rôle de l'Etat fédéral dans la conservation du patrimoine forestier, le thème de la maîtrise administrative du risque s'est affirmé en France comme l'un des moyens de subordination du mouvement social aux impératifs du pouvoir. Plus que séculaire est ainsi dans notre pays la tendance des militants à poser d'eux-mêmes la question de l'environnement en termes de prise en charge étatique. Au XIXe siècle, la description exaltée des sentiers artistiques laissa vite place à un raz de marée de demandes de conservation par l'Etat des sites forestiers, et cela du fait de toute une série d'associations (Touring Club de France, Amis des Arbres, Club Alpin Français, etc.). L'alliance passée entre ingénieurs d'Etat et savants naturalistes (favorables à la création d'aires réservées) contribua également à renforcer l'opposition entre une conception conservationniste-étatique et l'utilisation sociale de la nature , plus tournée vers la participation des paysans. L'intitulé de la "Société nationale de protection des paysages et des colonies" montre que l'appel à la conservation publique n'était d'ailleurs guère séparé de l'idéal impérial. Les revendications des savants pour la formation de collections d'observation dans la tradition de Buffon, n'échappèrent pas non plus aux projets d'espaces coloniaux (reboiser l'Algérie, par exemple). La création en 1854 de la Société impériale de zoologie et d'acclimatation sous l'impulsion de Geoffroy Saint-Hilaire, professeur au Museum d'Histoire Naturelle, s'intégra dans un projet analogue: il fallait acclimater en France des espèces exotiques afin de familiariser les savants et le public à ces échantillons du nouveau Domaine mondialisé (surtout africain) . En 1923, l'ordre du jour du premier Congrès international pour la protection de la nature (à l'initiative de la même société ) concernait encore une série d'évolutions réglementaires sur la chasse et la pêche en métropole et dans diverses colonies (Cochinchine, Nouvelle Calédonie, Algérie, etc). Plus on s'approchait de la grande crise de l'entre-deux guerres, et plus l'aspect conservationniste (préserver la nature comme patrimoine) et l'aspect conservateur et passéiste (contre la nuisance automobile par exemple), se trouvaient accolés de façon visible, unification thématique que l'on retrouva plus tard dans le retour au terroir prôné par la propagande de certaines affiches pétainistes.
Aujourd'hui, cette étroite liaison entre écologisme à la française et Etat central peut aussi se constater soit directement (dans les effets de "juge et partie" des grands organismes comme l'ONF, l'ORSTOM ou l'INRA) soit, paradoxalement, dans la forme même de la protestation la plus radicale recherchant la confrontation avec l'emblème du pouvoir militaro-industriel. C'est ce que montre de façon significative le cycle historique de la contestation anti-nucléaire en France, à la fois marqué par une gestuelle de prestance contre les "nucléocrates" (pour reprendre le mot de P.Simmonot), et par un rapide épuisement de ses ressources d'agressivité, faisant de notre pays celui où le mouvement social est désormais l'un des plus faibles du monde sur cette question.
Rappelons à ce propos que le nucléaire a été pris comme objet parce qu'il était symbole d'une société technicienne, centralisée, société de l'expert" mais aussi liée à l'armée, au militarisme, et enfin à la domination parisienne sur la région , bien plus que parce qu'il impliquait des nuisances concrètes. L'aspect de lutte de prestance contre le Pouvoir se manifeste ainsi clairement chez le candidat R.Dumont quand il disait : "La notion moderne d'Etat, prenant la suite du pouvoir féodal mais avec de bien plus grands moyens centralisateurs, se retrouve aujourd'hui derrière toutes les formes d'exploitation." L'une des marques du thème anti-nucléaire était donc d'avoir pu ouvrir une possibilité d'attaque d'une figure bien homogène de l'Ennemi (le pouvoir), ce qui n'a pas été le cas pour les pollution industrielles. Cette fixation sur un symbole négatif unique entraîna mécaniquement la question des façons de le combattre. Répondre violemment à la violence d'Etat satisfit la dérive dite "autonome" du mouvement , qui conforta son envie d'en découdre, dans une logique du ressentiment. La lutte de prestance individualisante, si caractéristique d'un certain terrorisme, se profila ici, finalement asez indifférente aux enjeux sociaux et a fortiori naturalistes de l'écologisme. En 1975, deux bombes éclatèrent à Fessenheim, sur le site de la centrale, revendiquées par des amis des Fractions Armée Rouge (commando Puig Antich-Ulrike Meinhof), sans causer beaucoup de dégâts. Les Amis de la Terre soutinrent verbalement l'action, mais le climat créé contribua à décourager l'écologisme pacifiste , et à diviser le mouvement en laissant se développer le doute sur les capacités d'infiltration d'agents provocateurs. Par la suite et jusque dans les dernières années, la résistance au nucléaire se traduisit fréquemment par des plasticages de pylônes, très rarement évoqués par la presse, et dont il est difficile de dire s'ils correspondaient à l'application d'une doctrine, ou s'ils étaient (plus vraisemblablement) le fait de méthodes "paysannes" utilisées pour des revendications variées.
Une autre rencontre forcée entre l'intervention anti-nucléaire et le Pouvoir fut induite par ce que l'on pourrait appeler la "dérive nationaliste" des attitudes face aux risques: en effet, la plupart des grands rassemblements à caractère multinational et politique sur les chantiers du nucléaire, se heurtèrent en dans les années soixante-dix à des processus de répression violente : à Brokdorf et à Kalkar en Allemagne lors de manifestations de plusieurs milliers de personnes, à Creys-Malville en France, à Lemoniz au Pays Basque Espagnol. A Creys-Malville (où mourut le militant Vital-Michalon et où les charges de CRS firent des centaines de blessés), des autorités de police comparèrent les écologistes allemands à des troupes d'occupation. Cette accusation n'eut pas d'effet direct, mais sur le long terme, la suspicion pesant sur les mouvements internationaux joua probablement pour décourager les mobilisations ultérieures. Par la suite, d'autres actions (comme la contestation sarroise et luxembourgeoise de la centrale de Cattenom) furent ressenties plus nettement comme des affronts à la Nation, et l'on sait ce que cette confusion dans l'esprit des dirigeants Français a pu entraîner de dérapages scandaleux, tel le plasticage du navire de Green peace en Nouvelle Zélande par la D.G.S.E. Symétriquement, en 1988, l'acharnement de Green Peace à protester contre la piste d'atterrissage desservant une station scientifique française en Terre Adélie semble devoir bien davantage s'expliquer par un esprit de revanche, que par une véritable menace écologique pensant sur l'Antarctique. Ce phénomène (qui atteint également d'autres types de contestations comme les pluies acides entre les Etats-Unis et les Canada, ou entre la France et l'Allemagne) traduit assez bien la facilité à détourner le sens du combat écologique selon les lignes de force des enjeux stratégiques.
En fin de compte, on a pu dire qu'en se focalisant sur le nucléaire, les écologistes s'étaient "trompés d'adresse" , se montrant incapables d'actions efficaces contre la pollution chimique parce qu'ils avaient épuisé toute leur énergie contre un objectif finalement secondaire mais qui les fascinait. De fait, si la montée du thème anti-nucléaire a aidé les nucléaristes (savants et ingénieurs) à décider de porter eux-mêmes une critique (cette fois précise) sur les dispositifs de sécurité, l'efficacité même de cette critique savante désamorça le thème anti-nucléaire, dès lors que les ingénieurs nucléaires (et spécialement ceux d'EDF) devinrent capables de répondre de façon convainquante sur le plan technique. Il est significatif, de ce point de vue qu'en 1983, Y.Cochet, porte-parole des Verts ait mis exclusivement l'accent sur le coût économique du nucléaire, sans plus guère questionner la sécurité des installations, tandis qu'en 1988, Brice Lalonde, devenu secrétaire d'Etat à l'Environnement se soit fait plus discret encore sur les usages civils du nucléaire, reconnus moins polluants au niveau planétaire que la combustion d'hydrocarbures, source principale de l'augmentation du C02.
La longue histoire de haine et d'amour, de critique et de réconciliation que symbolise la lutte anti-nucléaire nous paraît ainsi marquée tout spécialement en France par une passion ambigüe de l'écologisme pour l'imago du Pouvoir tout-puissant, ce qui a pu et peut encore le détourner durablement de son projet de démocratie technologique.

4. Nostagie de la nature et obnubilation catastrophiste.

Alceste: (..) "Je vais sortir d'un gouffre où triomphent les vices, et chercher sur la terre un endroit écarté où d'être homme d'honneur on ait la liberté." (Molière, Le Misanthrope, Acte V, scène IV.)

Un troisième et dernier trait qui peut expliquer la dérive constamment observée dans l'écologisme vers une oblitération du thème démocratique: c'est la puissante tentation du romantisme naturaliste, associant de façon étrange l'hédonisme de la vie sauvage et la jouissance d'une perspective apocalyptique, deux façons apparemment opposées (mais en fait très proches) de décider de sortir du débat social en adoptant la posture de la belle âme.
La relation entre la nostalgie de la nature sauvage et l'essence même de notre société moderne individualiste a été parfois observée. J.Viard explique ainsi que les premiers parcs naturels, les premières sociétés d'alpinistes, les premières associations de défense se sont constitués dans les pays protestants (Angleterre, Etats-Unis, Allemagne, Suisse), à cause de l'esthétisation de la nature provoquée par la réforme. Le protestantisme se défait des images de Dieu et des Saints, Dieu n'est plus incarné hic et nunc, mais il est partout derrière chacune de ses oeuvres, en particulier naturelles. Cette rupture culturelle libère les artistes des commandes religieuses et joue un rôle décisif dans la naissance d'une littérature et d'une peinture naturalistes, en même temps qu'elle va inspirer le culte de l'état sauvage (wilderness ), particulièrement fort aux Etats-Unis. Quelques personnages légendaires illustrent cette alliance entre jouissance esthétique ou mystique et dénonciation parfois prophétique. J.J. Audubon chasse les oiseaux des bayous, les collectionne et les peint , dénonçant en même temps les massacres inutiles d'oiseaux, et les destructions massives de martres et de loutres par les marchands de fourrures. R.W.Emerson croit que le voyage dans les bois est un moyen de retrouver l'éternelle jeunesse, de communier avec les lieux où circulent les courants de l'être universel, et où la raison et la foi reviennent au citadin hagard. Thoreau, Instruisant sa propre légende, s'isole dans une cabane à Walden Pond afin de promouvoir une expérience de vie et s'institue "inspecteur des tempêtes de neige". Sans intervenir sur le plan politique, il critique la destruction des forêts par la coupe de bois, et analyse les effets néfastes des barrages sur les poissons.
Aspect significatif (mais moins reconnu) de la correspondance étroite entre modernité et peur "sacrée" de la transgression de la nature, c'est une relation analogue entre idéalisation et déploration catastrophiste que l'on trouve depuis les origines du mouvement ouvrier européen. Par exemple, dans la vieille garde quarante-huitarde, Raspail, victime d'un empoisonnement au mercure, rédige un "Appel urgent au concours des hommes éclairés de toutes les professions contre les empoisonnements industriels ou autres qui compromettent de plus en plus la santé publique et l'avenir des générations" . Le marxisme lui-même, dont on souligne souvent l'opposition à l'anti-technologisme des milieux anarchistes, n'exclut pas un certain pessimisme sur les effets imprévus du changement matériel engagé par le capital. Engels éprouve des inquiétudes sur les perspectives destructrices de la maitrise de la nature , laquelle s'en venge d'autant plus sûrement que, selon lui, nous en faisons partie "tout entiers par la chair, le sang, le cerveau". On ne peut néanmoins assimiler sa position avec les attitudes passéistes d'un Sismondi rejetant l'industrialisme et rêvant un retour à l'âge d'or bucolique que lui inspire sa chère Toscane, ni avec celles de Proudhon qui refuse la massification industrielle, et propose de mettre toute nouvelle machine en "quarantaine", le temps de procéder à son évaluation du point de vue du travailleur et du consommateur.
Fourier est encore plus radicalement opposé à l'industrie civilisée et à son "cloaque de vices", où l'altération et la fourberie dominent partout: "le cultivateur est devenu aussi fraudeur que l'était jadis le marchand. Laitages, huiles, vins, eaux de vie, sucre, café, farines, tout est falsifié impudemment. La multitude pauvre ne peut plus se procurer de comestibles naturels, on ne lui vend que des poisons lents, tant l'esprit de commerce a fait de progrès jusque dans les moindres villages". Les anarchistes partagent ces positions, tel M.Nettlau critiquant au Congrès International Antiparlementaire de Paris en 1900: "les industries et des professions atroces sont exercées par un plus grand nombre d'hommes, (..) et qui dégradent la vie, abrutissent l'esprit et ruinent les corps de leurs propres camarades de travail." La CGT socialiste fera pendant des années un écho (faiblissant) aux thèmes de la qualité de la production, de la dénonciation de la fraude, du problème du label ouvrier, etc, mais il faudra attendre la Première Guerre mondiale pour que ces thèmes s'estompent définitivement derrière le loyalisme d'usine actuellement dominant dont nous avons évoqué plus haut quelques effets.
Prenant ainsi (sans le savoir) le relais des militants ouvriers aussi bien que des romantiques naturalistes, ce sont les scientifiques qui, par la suite, ont soutenu avec le plus de ferveur les thèmes de la dénonciation catastrophiste. Non sans rapport avec la crise morale impliquant la communauté scientifique internationale après Hiroshima et Nagasaki, nombre de personnalités optent ainsi dans les années cinquante pour un style prophétique. Jean Dorst exprime par exemple son anxiété vis-à-vis de la pollution croissante, de même que Jean Rostand. A partir de 1960, des réseaux associatifs animés par des botanistes font reconnaître la raréfaction des prédateurs et les dangers de l'usage des pesticides dans l'agriculture, en reprenant le message de Rachel Carson . C'est la disparition silencieuse d'espèces entières, induite par l'accumulation de substances nouvelles (comme le DDT) qui préoccupe alors les savants. Puis, le risque de société devenant un thème populaire dans les années soixante-dix aux Etats-Unis, on assiste à des tentatives d'organisation politique de la part de certains scientifiques (comme Richard Buckminster-Fuller ou Barry Commoner) et à une extension des sujets d'alarme: telle la "bombe démographique" décrite par Paul Ehrlich, et qui sert surtout de justification à des programmes malthusiens destinés aux pays du tiers-monde.
D'une extension du thème du péril global, nous passons enfin à des utilisations idéologiques, militantes, politiques ou religieuses, que des anthropologues américains regroupent, peut-être un peu rapidement, sous l'étiquette de "sectaires" . Aux Etats-Unis comme en France, la fondation de groupements communautaires s'est en effet appuyé sur l'eschatologisme, qu'il soit d'inspiration nettement religieuse , ou discrètement développé derrière des discours plus laïques : comme si l'écroulement du monde civilisé était un mythe nécessaire pour justifier l'abandon d'un mode de vie et le choix d'un autre, généralement fort traditionnel (économie monastique).
Dans le cas de combats plus intégrés à la civilité moderne, la tentation du recours à un horizon de destruction, n'est jamais très loin non plus. Ainsi, chez Jean Pignéro, l'unique pollution -l'atome- est un dragon, un cauchemar infernal .Il faut fuir les grandes villes et la proximité des installations nucléaires, et prendre des habitudes d'alimentation saine qui devaient permettre de survivre après l'écroulement du système. Il faut se préparer à défendre chèrement sa vie et celle des siens dans la période de désordre qui ne manquera pas de le précéder. Seule une politique d'économies drastiques, pouvait à la rigueur permettre le maintien de la civilisation . Témoigne également d'un catastrophisme sans faille, Pierre Fournier, l'un des fondateurs du Comité Bugey Cobaye contestant dès 1969 le site de la première grande centrale à eau légère. "La Gueule Ouverte" qu'il fonde en 1974 s'intitule fièrement : "le seul journal qui prévoit la fin du monde".
Dans les années soixante-dix, la littérature annonçant l'auto-destruction de l'espèce (comme Charlie-hebdo), les dégradations irréversibles ou la multiplication des grands accidents déborde les petits groupes d'activistes. L'imagerie apocalyptique, la vision d'une civilisation urbaine malade, fichue, invivable, qui se consume elle-même sont des composantes de la sensibilité cuturelle qui s'est développée largement autour de l'écologisme . Le créateur du Club de Rome, E.Peccei, envisage d'ailleurs celui-ci comme un anti-corps contre la pathogénie rendant incapable la société de réaction face à la pollution. La campagne d'Actuel soutenant la candidature de René Dumont aux présidentielles de 1974, se déroule sur le thème: "L'Ecologie ou la mort" . Cette thématique redevient aujourd'hui un ressort important de publications variées sur les pollutions, qu'il s'agisse des retombées de Tchernobyl nous mettant "tous en danger de mort" , de la Méditerrannée en train de mourir , de la fameuse "bombe démographique" qui va faire déferler plus d'une dizaine de milliards d'humains sur la planète d'ici 2020, du "trou d'ozone" "présageant un désastre pire que la peste médiévale", etc.
Parallèlement, on peut assister à un mûrissement de la peur vers des figures proprement paranoïaques: celle, par exemple, d'une main criminelle glissant de la strychnine dans les médicaments vendus dans les supermarchés nord-américains. A la suite de campagnes de dramatisation médiatique rarement vues même aux Etats-Unis, de tels faits divers ont motivé le retrait de millions de produits. Ce n'est plus alors l'imprudence technologique, mais bien "l'esprit du mal" (evil) qui est invoqué dans certains milieux religieux protestants tout en désignant des objets éventuellement proches de ceux que visait le consumérisme ou l'écologisme traditionnels. J.H.Brumwald évoque par exemple le cas de six militants fondamentalistes qui ont été poursuivis par la compagnie Procter et Gamble pour avoir développé contre elle une campagne sur le thème du satanisme. Pour eux, le logo de cette firme (une silhouette barbue avec 13 étoiles et la lune), pouvaient être décryptés comme des signes du démon (les trois chiffres 666, nombre de la bête dans l'apocalypse, et la métaphore de l'homme à la lune..). 12 000 appels téléphoniques sur ce thème auraient été reçus au siège de cette compagnie à Cincinnati en 1985. Bien que les dirigeants des sectes fondamentalistes se soient désolidarisés de leurs militants, et que la firme ait eu gain de cause, elle n'en n'a pas moins été contrainte de modifier son sigle. Brumwald recense d'autres rumeurs également efficaces, telle la présence de limaces dans les hamburgers MacDonald, d'araignées dans le bubblegum Live Saver, de rat d'égout dans le poulet Kentucky Fried Chicken, etc. Notons que l'on retrouve dans ce consumérisme proche du délire, certains aspects de la forme héroïque qui fit la gloire de Ralph Nader, s'attaquant, lui aussi, au mal...mais dans les figures plus réalistes de l'affairisme véreux ou de l'irresponsabilité.
Il est possible que ces formes hallucinées soient devenues aussi visibles aujourd'hui parce que le halo du mouvement écologiste qui les recouvrait et les confondait avec d'autres expressions s'est estompé, révélant une hétérogénéité profonde. Mais il ne faut pas oublier que l'éco-catastrophisme a toujours été un ingrédient important de ce mouvement. Les Amis de la Terre en donnent un exemple: créée en 1969 aux Etats-Unis par un ancien directeur du Sierra-Club, parce qu'il estimait celui-ci incapable de s'en prendre à la prolifération nucléaire, civile et militaire, cette association à visée internationaliste (affichant plusieurs dizaines de milliers d'adhérents dans divers pays en 1980) s'adonna d'abord effectivement au discours apocalyptique. Dans une lettre ouverte au président Nixon, elle estimait que le peuple américain devait donner l'exemple d'un comportement propre à éviter l'éco-catastrophe, et estimait par ailleurs que l'explosion démographique était un danger immédiat, que la biosphère était mise en péril par l'ensemble des activités industrielles et techniques modernes. D'autres registres faisaient assez bon ménage avec cette tonalité dramatique: la description d'une Californie de rêve , perle de l'âge post-industriel, permettait par exemple de passer à un discours positif. Enfin une touche nationaliste pouvait capter la bienveillance populaire, comme lors des actions contre le droit d'atterrissage de Concorde à New York .
Depuis quelques années, on peut observer un curieux échange dans le recours au thème du désastre terminal. D'une part, comme nous l'avons vu, les grandes autorités publiques et les médias, notamment en Allemagne, aux Etats-Unis et en URSS, paraissent avoir pris le relais du catastrophisme classique, agitant à leur tour le spectre de la pollution généralisée, qui se substitue en partie au thème de l"équilibre de la terreur". En revanche, nombre de mouvements écologistes proprement dit se sont distanciés de plus en plus de cette optique effrayante: notre planète reste certes un "habitat précaire", mais elle est déjà moins promise à la mort rapide, si le conflit nucléaire n'a pas lieu. On insiste sur les nuances, les possibilités ouvertes. On est passés de la protestation à la pratique politique, à la négociation . Les critiques de l'industrie se font plus sages, surtout plus experts, et entrent dans le débat technique ou sur la question du coût, tel W.Ramsay qui fait l'effort de réfléchir sur le chiffrage économique de l'énergie aux Etats-Unis et sert de référence à nombre de travaux alternatifs . Certains commentateurs voient cependant dans ce sérieux de l'écologiste des années quatre-vingt, et dans sa capacité à "comprendre" l'argumentation de l'adversaire, des preuves de faiblesse. Ainsi l'écologiste est-il aujourd'hui amené à se défendre point par point contre l'argumentaire de ses opposants généralement tissé d' assertions de bon sens: "Il faut plus d'études; çà va mettre à mal l'économie; çà va coûter des emplois; le risque est exagéré; le dommage est secondaire; on ne peut pas tout le temps changer les règles, faites-nous confiance pour nous prendre en main nous-mêmes; nous ne sommes pas pleinement responsables; ne croyez pas que l'arbre c'est la forêt, etc."
On voit donc entre quels écueils considérables l'écologisme doit se glisser, dès lors qu'il actionne (ou subit) le très puissant ressort de la peur: comment garder conscience des risques sans être emportés par un sentiment d'angoisse exploitable par toutes les déviations possibles, voire ouvert à la folie? Mais inversement, comment continuer à exiger l'accès aux savoirs et à l'évaluation sérieuse de leurs dangers, sans être soutenus par une inquiétude assez forte pour maintenir la vigilance?
Conclusion.

L'écologisme réactive un fantasme crucial de la modernité -le monde naturel et sauvage- dont la présence permet l'aventure civilisatrice, et sans lequel nous ne pourrions échapper au système déjà quadrillé et rigidifié par les pouvoirs installés. La nature constitue en effet un réservoir gigantesque pour toutes sortes d'innovations et de découvertes scientifiques: la majorité des micro-organismes terrestres reste ainsi inconnue, du fait de leur dispersion dans des éco-systèmes naturels non recensés (par exemple, le champignon producteur de la cyclosporine a été découvert, par un chercheur en vacances qui ramassait au hasard des échantillons de sol dans une forêt nordique). Mais si le domaine sauvage doit être préservé, voire réinventé (comme le disait Serge Moscovici) pour que la société moderne puisse se bâtir en fonction de lui, cela pose un problème irritant, parce que la nostalgie de cette nature nous rappelle trop directement qu'en la conquérant, nous détruisons précisément cette part de liberté rêvée. La visée écologiste nous place ainsi devant notre propre contradiction intérieure: d'un côté le naturel, c'est ce qui reste à conquérir par la civilisation humaine; mais c'est aussi l'humain soi-même, ce qui implique un point d'arrêt à la conquête et à l'action. Souvenons-nous par exemple que l'état sauvage opposé à l'état manipulé ou dénaturé peut servir de repère aux savants cherchant un critère éthique dans l'expérimentation animale, et désigne en fin de compte l'être humain lui-même se soustrayant de droit à l'ingéniérie génétique. Or, nous ne pouvons renoncer à l'action technique ni sur le monde ni sur nous-mêmes, tant que c'est par l'espoir d'une maîtrise objectivante que nous espérons échapper aux dominateurs actuels.
L'idéal de nature représente ainsi une question cruciale des sujets de la modernité pris dans cette hésitation entre liberté et pouvoir, et rend difficile d'introduire ou de maintenir la problématique pacifiante du débat démocratique sur l'évaluation des dangers réels. Comme nous l'avons vu, cette hésitation s'est traduite historiquement par une série de divisions dans la mouvance écologiste, divisions permettant en fait d'échapper à ce débat. L'une des plus constantes a été la séparation entre les groupes et institutions intéressés à la protection de l'environnement (pêcheurs à la ligne, chasseurs, etc), et les mouvements sociaux dénonçant les nuisances industrielles. D'un côté l'hédonisme naturaliste a décrit et chanté la vie sauvage, puis s'est s'allié avec les administrations d'Etat pour créer des parcs et des réserves. De l'autre, bien que directement en butte aux pollutions et aux dangers de la technique, un militantisme critique a choisi plutôt d'oublier la nature pour se consacrer à la dénonciation travailliste de la société. D'un côté, donc, une nature vécue et gérée sans mouvement; de l'autre un mouvement social bientôt sans nature. Dans cette évolution bipolaire, l'écologisme semble avoir décrit un cycle comportant une phase d'élan et une phase de retour à un point d'équilibre, de mise en cause radicale et globale de la modernité comme menace pour l'homme, suivie d'une réhabilitation partielle de ce système, du fait du vide plus effrayant encore que semblaient présenter les alternatives possibles.
Il faut sans doute prendre au sérieux les raisons de cette hésitation, car malgré les dangers secrétés par la division technique du travail et le marché, notamment leur aveuglement pour tout ce qui ne s'exprime pas dans leurs étroites catégories d'efficacité et d'échange, il n'est pas du tout évident que l'on puisse aller au delà, sans tomber dans le super-despotisme éclairé que certains ont cru apercevoir à l'horizon de la démarche écologiste, et que la manipulation des thèmes de la catastrophe planétaire pourrait commencer à cristalliser aujourd'hui. De ce point de vue, les classes intellectualisées qui ont porté le mouvement environnementaliste ont peut-être reculé devant les excès de leur propre victoire éventuelle : prééminence de la doctrine sur l'incertitude scientifique et sur les pratiques empiriques; ou encore tentation de critique trop globale du système dérivant vers un totalitarisme. En un sens, cette hésitation devant la prise de risque de la contestation d'ensemble a été positive: l'écologisme ne s'est pas livré aux délices meurtriers du vitalisme d'avant-guerre, utilisant comme on sait la thématique du darwinisme, et visant explicitement (comme le disaient certains théoriciens nazis) à "dépasser" l'économie. D'ailleurs, de la sélection naturelle à l'écosystème et à la génétique populationnelle, l'écologie scientifique elle-même n'incite plus à la mobilisation triomphante de la volonté de puissance, mais réclame plutôt de la prudence et de la précision dans l'estimation des déséquilibres possibles de toute action collective. Le retour de la mouvance écologiste à la civilité moderne, si fermement encadrée par l'axiomatique du marché et du pluralisme démocratique, ne serait donc pas seulement à lire comme signe d'épuisement ou de débilité, mais comme indice d'une maturité relativement nouvelle à l'échelle de l'histoire, une capacité à se dérober d'avance à l'exploitation de la peur par le pouvoir.
Cela dit, le côté dépressif de ce cycle ne peut être sous-estimé au moment où l'écologisme militant s'absente de plus en plus face à la montée des accidents technologiques massifs. Et l'on ne peut certes pas se satisfaire du vide toujours reproduit autour du traitement concret du risque technologique, du fait même de la partition réitérée de l'environnementalisme en tendances contradictoires. Tout l'enjeu d'avenir consiste donc précisément à échapper à cette oscillation, en particulier en devenant capables de générer, à partir du plus large public possible, de réactions rapides, bien informées et socialement élaborées, aux nuisances ponctuelles tout comme aux grandes dérives apparemment sans maîtrise possible. C'est seulement lorsque cette perspective sera réouverte au travers d'une demande de participation civique à la définition rationnelle du risque (et au partage nature/culture qu'elle sous-entend toujours), que l'on pourra durablement associer l'écologisme à la restauration du lien social, à la poursuite de quoi s'épuise pour le moment une vacillante modernité.


(Le positionnement des notes et références a été "effacé" : au lecteur de jouer !)

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La référence mythique à Walden est utilisée par Skinner dans sa fable philosophique, Walden II, (Macmillan, London, 1948) où il décrit, assez symptômatiquement selon nous, le meilleur des mondes de l'ingénierie sociale, comme une micro-société coupée du reste des hommes.
Cité par G. Ribeill, "Travailleurs salariés producteurs et/ou consommateurs? quelques matériaux et réflexions tirées de l'histoire." in D.Duclos (ed.) De l'Usine on peut voir la Ville, Rencontres Sciences Sociales, Paris 1981, pp. 75-95.
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Mardi 11 Août 2009 - 20:33
Lundi 5 Octobre 2009 - 14:39
Denis Duclos
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