préambule d'un nouveau livre (à paraître en septembre 2017)
du même auteur (disponibles sur Amazon et chez votre libraire).
Aux éditions du Translatador
Culture humaine et société-monde (2015)
Ceci n’est pas l’humanité (2015)
La pluralité comme solution
à la société-monde (2015)
Demain, la planète « Pluralité » (2015)
Histoire de la parole (2016)
Après l’Amérique, l’Amivédique (2016)
L’ Avenir des Humains est-il prédictible ?
(Pourquoi la pluralisation de la mondialité est inéluctable) (2017)
Libérer l’imaginaire
(Démobiliser les armées sociétales arraisonnant le monde) (2017)
Denis Duclos
Dépasser l’écrasante religion mondiale
de la science
(Choisir entre la fascination morbide du processus objectif et l’engagement du sujet humain de la parole)
2017
Editions du Translatador
translatador@translatador.com
Préambule
Au temps d’un Voltaire combattant « l’infâme » dans la collusion des pouvoirs temporels et spirituels pour interdire la libre pensée, il pouvait sembler évident que la science, celle des encyclopédistes, serait indéfiniment du côté de la liberté.
Il en vient autrement en 2017 est il est temps de l’affirmer de la façon la plus directe et incisive possible : la science comme organisation mondiale et comme idéologie triomphante n’est plus synonyme de liberté mais au contraire de tyrannie visant à l’absolu contrôle des « masses humaines », ceci, d’ailleurs en continuité et remplacement des autres religions.
Il ne s’agit même plus des abus et déviations du matérialisme dans la forme marxiste dogmatique. Il ne s’agit plus de désigner à la vindicte des personnages se parant du prestige de la science pour avancer leurs propres élucubrations comme bases d’un ordre moral « nouveau ». Il s’agit d’un déferlement quasi-physique de sentiments et de convictions soutenant la seule certitude qui resterait à l’humanité après l’extinction ou le dépérissement des formes traditionnelles de croyance : la certitude que le monde réel est régi par des lois absolument fiables. Il s’agit d’un transfert massif et quasi-spontané du phénomène de la croyance, d’une conversion de foule, donc, entre d’anciens idéaux cosmologiques et/ou personnalisés en divinités, vers la « science » représentée notamment par ses blouses blanches, ses revues censurantes et sélectives, et surtout ses ordinateurs, ses algorithmes et ses manipulations génétiques automatisées.
Ce phénomène de basculement des grands nombres de la superstition animiste ou de l’idôlatrie plus synthétique des monothéismes vers la certitude de la loi mathématique formant la trame secrète du monde…. Est une catastrophe mentale et, par suite sociétale.
A noter que ce n’est pas en soi le fait de nourrir une croyance, de soutenir une idée, de se rassurer par des normes morales impliquant une représen-tation ontologique qui est catastrophique : c’est surtout la mobilisation générale entraînée méca-niquement par l’adhésion d’un groupe de plusieurs milliards d’individus. Car celle-ci ne peut en aucun cas conserver le caractère humain d’une position dans un débat.
Voila ce qui sera défendu ici… en tant que position scientifique : la Science en tant qu’armée mondiale ne peut pas être autre chose qu’un dogme articulé à d’autres (comme celui de l’efficacité technique et celui de l’autorité de la représentation de la multitude). Et d’une certaine façon, donc, la science… ne peut plus être qu’une religion et peut-être même la pire, parce que fondée sur une certitude du réel pratiquement incontestable ! Pour maintenir la simple possibilité d’une démarche scientifique libre, ouverte, capable de douter et de remettre en cause, d’apercevoir ses propres limites, de changer de paradigmes organisateurs quand c’est nécessaire, de soutenir des façons de vivre et des choix d’existence alternatifs et non standardisés, etc… il devient urgent de se dresser contre la collusion de la science avec le pouvoir tendant à l’unarité mondiale, et avec la technologie et l’argent accumulé qui assurent ses succès et son indubitabilité pratique (ce que nous avons étiqueté du mot-valise : « le poutechar »).
Le premier problème à résoudre est de dégager l’évidence de ce fait « en marche » pour des observateurs subjugués, un peu comme ceux qui vont être engloutis par un tsunami et qui restent immobiles sur la plage, ne pouvant simplement accorder du crédit à ce qu’ils voient arriver.
C’est le problème posé en général à ceux qu’on nomme des « Cassandre » ou des « prophètes de malheur ». Et cela surtout dans des périodes où ceux-ci tendent à se multiplier, en s’emparant, pour pousser leurs cris d’alerte, d’un symptôme ou d’un autre, le péril majeur qu’ils désignent étant soit un aspect trop particulier du véritable enjeu, soit carrément un mirage ou une illusion passagère. Sans parler de ceux qui condamnent, comme à l’ordinaire, les mêmes éternels boucs émissaires, et cela dans des batailles rangées d’adversaires : fonda-mentalistes contre rationalistes, moralistes contre « libéraux », droitistes contre gauchistes, traditionalistes contre futuristes, etc.
Or l’époque est propice aux pullulements de prophètes, ne serait-ce que par le consensus autour du changement climatique et de la pollution multiforme, réalités qu’aggrave encore -paradoxalement- la perspective prochaine de la pénurie de pétrole.
Une autre difficulté, plus profonde, se présente pour établir un diagnostic adéquat : la tendance humaine presqu’irrépressible, quand les choses vont mal, à désigner une cause univoque, parfaitement pure de toute contradiction interne, et à identifier les « méchants » qui, infectés ou imprégnés par ce « mal », devraient être simplement éradiqués ou « neutralisés » (euphémisme éludant le meurtre), ce qui suffirait immédiatement à faire cesser la maladie et à en éviter la propagation.
L’idée, beaucoup plus réaliste, selon laquelle non seulement on ne peut isoler des « responsables » ou des « profiteurs », mais que le mouvement catastrophique provient d’emblée d’une immense majorité d’Humains, tous plus acharnés les uns que les autres à vouloir le Bien, la Justice, la Démocratie et l’Amour des générations suivantes, est terri-blement difficile à accepter et à faire passer.
Comme l’avaient déjà repéré -bien que souvent d’une façon naïve- les théoriciens de la « foule » ou de la « masse » (de Gabriel Tarde ou Gustave Le Bon à Elias Canetti), le très grand nombre affecté par l’émotion mobilisatrice tend à devenir infantile : ses repères se simplifient outrancièrement, afin de permettre une ruée dans une seule direction, et de ressembler, enfin, à une coulée de bisons en proie à la panique, et d’autant plus vulnérables.
Or, c’est précisément le partage d’une idée dynamisante par une immense majorité qui concentre tout le potentiel catastrophique, celui-là même qui va justifier ensuite des inspirateurs et des dirigeants à employer des moyens de destruction massive, inévitablement retournés à un moment ou à un autre contre la cohue en mouvement elle-même et des millions d’innocents (au double sens du terme).
C’est cette idée, cet « eidolon » aurait dit Platon, qu’il faut se rendre capables de reconnaître dans sa faculté à générer l’action chez des milliards d’indi-vidus. Et ce trait même rend la chose ardue, parce qu’aucune idée ne peut entraîner les multitudes sans résistance de fortes minorités dès-lors qu’elle est « déterminable ».
Et ici la métaphore du « tsunami » se révèle insuffisante : la sidération ou l’imbécillité (le manque de force : im-baculis, sans béquille ou bâton pour se tenir… ou pour courir) n’est pas requise devant un phénomène qui est partout et nulle part à la fois, qui ne « provient » pas d’un lieu ou d’une direction « montrable ». Pire : qui réside en nous, et en nous tous pour autant que le réservoir de symboles actifs -la langue, ou même toutes les langues- se situe en chacun de ceux qui partagent la parole, ce fait spécifiquement humain.
La science dont il sera question ici, et qu’il vaudrait peut-être mieux intituler lascience en un seul mot, doit ainsi être dégagée comme source active d’un développement qui la dévoile, la décèle, comme un potentiel de certitude quasi-psychotique, hallucinatoire, comme la genèse d’un mode de perception de la réalité, tel que nous ne pouvons nous en défendre parce qu’il vient de l’intérieur de nous-mêmes et, en même temps, de chacun de ces « nous-mêmes ».
Que ce mode de perception soit « viral », qu’il se propage à vitesse croissante dans des organismes mentaux prêts, pour ainsi dire, à le recevoir, et qu’il utilise les canaux de l’institution et de la communication « scientifiques » et « universitaires » puis médiatiques pour se faire, est en un sens, secondaire : Ce sur quoi il faut faire porter la recherche la plus attentive, c’est en tout premier lieu et de toute urgence, son essence, son dispositif minimal reproductible et propageable.
C’est à cette tâche improbable que nous nous attacherons ici, sachant que dans les eaux tourmentées où naissent les symbolismes, le risque est grand d’être emporté par un torrent de faux-semblants, un tourbillon d’antinomies et d’apories, une cascade répercutée en tous sens de contraires et d’antagoniques.
« Raison garder » pourrait être alors le nom de notre fragile esquif. Et, trêve de métaphores liquides (mises à la mode par Zygmunt Bauman depuis 1992 et sur lesquelles il nous faudra néanmoins revenir pour ce qu’elles révèlent de notre question), cette dénomination même, nous l’appuierons sans honte sur le statut de directeur de recherche au CNRS auquel nous avons eu l’honneur d’appartenir pendant près de 35 ans. Parce que cela peut nous rassurer -nous-même et quelques lecteurs- en partance pour découvrir un continent inconnu, tout comme le « voyageur » emportait une autorisation royale pour négocier des peaux avec les « Sauvages » de l’Amérique profonde, quitte à être bientôt trahi par une Majesté préférant vendre quelques arpents de forêt et le voyageur lui-même pour se réconcilier avec un cousin, allié avec d’autres Indiens.
Au passage, admettons que la métaphore de l’exploration est plus agréable à habiter -pour le lecteur comme pour l’auteur- que celle de la fin du monde, fût-elle aussi probable que possible.
Lascience, donc. Une substance étrange qui pulse dans l’intimité de nos cerveaux parlants, mais qui ne demande qu’à rayonner pour tous les réunir !
Allons donc y voir de plus près.
Denis Duclos, Seigny, le 17 Juin 2017