Denis Duclos
Mardi 16 Décembre 2014

Version imprimable
A propos des "civilisations injustes", il semble exister un penchant à faire équivaloir "civilisation" et "bien"; certes, Claude Lévi Strauss pouvait dire qu'aucune société ne pouvait être absolument mauvaise, mais de là à soutenir que la "civilisation" est obligatoirement plus humaine, juste, etc. que la "barbarie", c'est prendre pour argent comptant une auto-définition angélique. Une civilisation désigne surtout la façon dont le grand collectif limite les actions violentes des petits collectifs ou des individus. Le "processus de civilisation" est, selon Norbert Elias, un processus d'interdiction progressive et irréversible des réactions individuelles spontanées. C'est sûrement un bien pour ceux qui en ont à souffrir directement, mais cela n'entraîne pas du tout que la civilisation ne comporte pas sa propre violence, à terme écrasante pour tous ses membres. Sinon, pourquoi serait-elle "mortelle", selon le mot assez lucide de Paul Valéry ?

Cela dit, je vous accorde que quand Solon, Clisthène, ou les Gracques, militent pour empêcher l'extrême appauvrissement et l'esclavage pour dettes des citoyens, ils agissent dans le sens d'une "civilisation" des maîtres et prolongent d'autant la survie de ces derniers au sein d'une société supportable. On peut sans doute en dire autant des moments où le statut de la femme a progressé. Encore faudrait-il alors bien distinguer le progrès vers plus d'égalité et d'équité entre les sexes et la tendance profonde à pousser l'individu géré en masse vers l'uniformité. Le problème est alors que c'est la même société qui se révèle plus "civilisée" en respectant les femmes, et plus "inhumaine" en s'orientant vers une gestion comptable de tous les vivants humains.

Votre nom :


Votre email :
 (non publié)


Message
Balise embed   Annuler ou
Votre vidéo sera affichée en dessous de votre post.



Menu