Le convivialisme c'est à la fois la question anthropologique par excellence -comment vivre ensemble sans se massacrer ?, et celle de la plus grande actualité.
Cette question ne trouve plus sa réponse dans la "boucle émissaire" qu'est la croissance. Il faut d'une part penser la "prospérité sans croissance", et repartir du fait que, au delà d'un certain seuil la croissance devenue essentiellement financière ne rend pas heureux, pas plus que celle qui détruit la nature (comme le prévoyait déjà explicitement Stuart Mill, inspiré de Malthus, pour soutenir l'idée d'état stationnaire, et que reprendra Illich). Mais pourrait-on vivre dans le monde avec la moitié du revenu monétaire des décennies passées ? Peut-être, si l'Etat stationnaire "monétaire" reste dynamique, et permet une invention permanente de nouvelles valeurs d'usage.; et si par ailleurs,les structures collectives évitent d'avoir recours à l'argent.
Il faut sans doute revenir aux fondamentaux de l'anthropologie : comment réaliser le bon mélange entre nos quatre mobiles contraires : l'intérêt pour soi/ l'intérêt pour autrui; l'obligation/ la liberté.
Il faut aussi résoudre la grande difficulté : la chasse à l'infini de la reconnaissance (qui est aussi la question de Durkheim critiquant l'utilitarisme:quelle est l'instance morale qui permet la limitation des désirs ?). Mais aujourd'hui le désir infini, qui correspond au pouvoir est une nébuleuse qui circule partout. En face,une nébuleuse également: celle qui veut préserver la planète, reconnaître et respecter l'altérité, éviter l'hubris des démesures au nom d'une "common decency", et promouvoir l'état stationnaire dynamique (nouveau progressisme). La décroissance au sens étroit se tire une balle dans le pied : nous ne pouvons pas nous débarrasser de l'idéal du progrès civilisationnel.
Quel serait le programme minimal d'une telle idéologie politique "quasi-religieuse" ?
Quatre points : une justice sociale minimale : notamment un eréduction de l'écart entre revenu minimum et revenu maximum. L'extension de la politique au delà de l'Etat-Nation (sortir de l'inhumanité des bureaucrates de l'Etat mondial-procédural, sauver des logiques d'enracinement (tout être humain a le droit d'être enraciné et de se déraciner : il faut des nomades et des sédentaires). IIl faut assurer la reconnaissance mutuelle, dialogique,des cultures autres, sur la base de leur contingence, et sans possibilité de déconstruire une tradition d'accueil.