Pourquoi Onfray finit-il par défrayer (et pas seulement la chronique) ?

 Denis
Mercredi 21 Avril 2010

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 denis duclos
Jeudi 6 Mai 2010

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Je vous remercie pour cette intervention fermement tenue. En défense, je dirai que je ne cherche pas à faire connaître un personnage qui n'a pas besoin de moi pour exister médiatiquement, et depuis longtemps.Mais, comme le dirait Onfray lui-même, il existe dans l'histoire des 'personnages conceptuels' qui illustrent des positions pertinentes et consistantes. Et en effet, si ces positions ont un sens, elles sont 'embrayables'pour le grand nombre. D'après ce que vous dites, on pourrait penser qu'Onfray est porté par l'époque dans son attaque de la psychanalyse. Je tendrais à l'admettre, ainsi que la raison que vous en donnez :la quête d'une nouvelle religion/science s'édifiant sur les décombres du positivisme des siècles précédents. Cela dit, cela me pose quelques problèmes de logique,ou plutôt de concordance des temporalités.Pour le dire aussi clairement que possible, vous semblez opposer une invariance culturelle de très longue durée (et que vous dénotez comme : 'l'impossible du langage') et une variance dans l'Histoire courte :celle qui pousserait à actualiser une idéologie datant d'un peu plus d'un siècle.Un malentendu possible porte sur le fait que, de mon côté, il existe des temporalités intermédiaires entre la très longue durée anthropologique (l'accès de l'espèce humaine au langage) et le temps court des mouvements séculaires. Ainsi, les quelques millénaires des religions monothéistes forment-ils des structures puissantes de modelage des sociétés et des individus, telles qu'elles sont probablement peu atteintes par les oscillations de l'ordre de la centaine d'années. Et, de ce point de vue, il existe une sorte de pérennité 'moyenne' des catégories culturelles qui en relèvent. Je prétends par exemple que la problématique des monothéismes (que je complète de l'athéisme qui n'en est qu'un avatar) est toujours actuelle, précisément sous sa forme de gestion comptable de tous par la totalité sociétale. Comme le prévoyait Durkheim (qui était l'un de ses agents) la Société devait remplacer Dieu, et l'antisocial l'impie. C'est plus que jamais le cas, ce programme se réalisant à l'échelle intégrée du monde, en utilisant comme vous le soulignez fort bien, l'idéal de nettoyage écologique, et plus généralement l'obsession hygiéniste et l'angoisse de tous les risques. La psychanalyse, dans ce progrès de la même démarche millénaire, est effectivement un obstacle, parce qu'elle représente la limite la plus incontestable de la science... dans une théorie scientifique de la scientificité... Que dit-elle, en substance, dans la plupart de ses variantes ? Que toute affirmation de soi dans les catégories langagières achoppe sur l'impossibilité de ces catégories de rendre compte du réel. Même les catégories les plus mathématisées. Elle démontre finement, dans toute l'expérience analytique, que les personnes, avant tout, souffrent de cette difficulté, non seulement parce qu'elles ne parviennent pas à se situer comme catégories, mais parce que cette impossibilité leur semble dramatique, insupportable, comme si leur être même était pour ainsi dire néantisé par elle. Vous avez raison d'observer que ce malaise consubstantiel de l'espèce parlante a été 'traité' par le religieux. Mais si l'on accepte de considérer que le scientisme comme valeur n'est que la mouture actuelle du même projet très occidental, depuis au moins 2000 ans, alors le personnage conceptuel qu'est Onfray en roue libre n'a rien de nouveau en soi. Il est simplement l'un des agents de l'actualisation de la même continuelle démarche. Je vous accorde, en revanche, que sa mise sur le marché intellectuel en pool position tient à ce que la psychanalyse a d'ores et déjà (avec d'autres éléments de la résistance morale et esthétique au fascisme technoscientifique) été placée en position de défensive , et que c'est l'heure de la curée, ou plus précisément celle des chiens de curés (qui, à l'occasion, dévorent aussi leurs anciens maîtres condamnés comme pédophiles).Que vous observiez cet moment crucial de la bataille et en première ligne est non seulement légitime mais courageux et fort utile. Laissez moi, en revanche, profiter de l'avantage de l'âge pour prendre un peu de recul en soutenant ceci : il est possible que l'époque marque une rupture bien plus importante et imprévue avec tout ce grand monument de la métaphore de la vérité mesurable des biens et des maux, et de l'équation salvatrice, forme ultime du Christ. Il est donc possible qu'Onfray ne soit qu'un marqueur d'une fin de bimillénaire, l'époque suivante, qui s'ouvre peut-être sous nos pieds, étant caractérisée, dans son essence, par la nécessité de trouver, pour survivre, des alternatives radicales aux grandes croyances ravageuses du passé, un personnage conceptuel aussi crépusculaire que minuscule. Je ne sais rien de ces alternatives, n'étant pas prophète, mais je peux au moins postuler que, venant en opposition frontale à la forme la plus concentrée et la plus explosive de toute notre tradition, elles ne pourraient que faire valoir tout ce qui est oppressé par ce qu'il faut bien appeler le Système. Autrement dit, s'il faut lire quelque chose de nouveau dans l'actualité, ce n'est certainement pas du côté des mutations du technico-religieux ou du scientifico-rituel, mais bien plutôt de celui de la libération de manières de vivre différentes les unes des autres, non rassemblées sous une houlette quelconque, et capables de se légitimer dans un droit autoprotecteur.Au fond, je suis d'accord avec vous : il faut se garder du nouveau messianisme écolo-scientifique (sans pour autant se rallier aux négationnismes du changement climatique). Mais il faut aussi peut-être, ne serait-ce que pour garder quelque espoir dans notre espèce, entrevoir aussi, en même temps, les linéaments de la résistance de demain. Ce serait adopter une interprétation bien pessimiste de la psychanalyse que de lui prêter le discours d'une nécessité subjective absolue de pallier le malaise culturel par une prolifération irrépressible du sciento-religieux. Personnellement, je crois que la culture comporte certains éléments de résistance pluraliste à la tendance infantile à se rassembler dans la grande machine asexuée contre le symbole paternel. Je crois que la culture 'adulte' est capable de devenir réflexive et de circonvenir le monstre-infans qui en chacun de nous ne rêve que de s'aboucher et de s'articuler entre contemporains pour interdire tout choix de société, tout droit d'arbitrage souverain. Et c'est parce que j'y crois que je ne pense pas la psychanalyse dépassée ni dépassable. En revanche, que tous les fonctionnaires ou les marchands de la pensée qui ont exploité, toute honte bue, la psychanalyse comme un fonds de commerce corporatif, soient amenés à changer de discours, et se renient à grande vitesse, cela ne m'étonne guère. Que les lâches et les traîtres s'y multiplient, cela est prévisible. Mais est-ce important ?
 Mélusine
Samedi 21 Août 2010

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La force de conquérir de Freud était très puissante et les planètes lui semblaient arides et dépeuplées. Sa rencontre en tant que médecin avec la nature en souffrance des femmes hystériques lui offrit une extraordinaire opportunité de conquérir un nouveau territoire: l'inconscient. Le reste de l'histoire est connu. Nombreux ce sont disputé ce nouveau continent fabuleux et encore mystérieux.. Il y eut de nombreuses luttes de pouvoir, des conflits de personnes, des insurrections, des suicides, mais sans commune mesure avec les deux guerres qui ont suivi. Certains lui ont reproché la nature trop sexuelle de ce lieu étrange. Mais si la sexualité n'existait pas, cette nature que nous foulons du pied s'évaporerait en un seul instant. De plus, ce continent extraordinaire avait une particularité, il pouvait se métamorphoser par le seul désir de celui qui prenait la décision de l'explorer, cela s'appela la psychanalyse. Seulement, cela ne pouvait se faire sans guide. Un seul génie y est arrivé, seul, évidemment avec de nombreux errements, des erreurs de parcours, des échecs, car il était le premier et donc son premier défricheur. La véritable découverte du siècle que nous laissons derrière nous était bien l'inconscient et nous sommes loin d'avoir encore tout exploré, il reste le continent noir et la marée nous l'a bien signifié. Continue Michel Onfray, cela s'appelle un refoulement, les vannes se sont ouvertes et nous entrons bien dans le vingt et unième siècle. Les frères Bogdanov nous donnent la voie. Et si l'étape ultime de l'inconscient était une formule mathématique, offrant du même coup ce que Freud à recherché toute sa vie, la légitimité scientifique. Le futur est dans notre univers intérieur. BIENVENUE.
 Debra
Jeudi 20 Septembre 2012

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Echange intéressant.
Il y a deux jours, j'ai discuté avec un étudiant en doctorat qui m'a déclaré sa flamme pour Onfray, tout en soutenant que la pensée de Freud était simpliste...
(J'ai une solide formation de psychanalyste, non pas à l'Université, mais dans une école analytique regroupant des analystes de diverses tendances, ainsi qu'un diplôme de psychologie clinique, orientation psychanalytique. J'ai lu Freud, pas tout, mais beaucoup, et pas qu'une seule fois.)
J'ai mon propre diagnostique du... mal ? de Michel Onfray : il s'est réveillé à quel âge ?, brutalement, en découvrant que le Père Noël n'existait pas. (C'est fou, les dégâts que ça produit chez nos contemporains, de découvrir que le Père Noël n'existe pas COMME ILS VOUDRAIENT QU'IL EXISTE, en tout cas). Il est des gens qui vont.. de messie en messie dans l 'espoir de trouver.. le salut ?, et qui clouent l'idole d'hier à la croix avant de partir à la recherche de celui de demain. Et ainsi de suite. Onfray en fait partie.
Jacques Lacan, issu d'un milieu jésuite, pouvait-il faire autre chose que... école ?
On sait qu'à l'école, il y a des maîtres, et des élèves. (Ne parlons pas des... maîtresses...)
Le besoin de pouvoir des maîtres n'est égalé que par.. le besoin des élèves de rester éternellement élève, pour un grand nombre, en tout cas.
Il ne faut pas sous-estimer l'affect haineux que produit la déception infantile (pas de jugement de valeur dans mon propos sur le mot "infantile").
Comme disait Octave Mannoni dans "Clefs pour l'Imaginaire, je sais bien mais quand-même" : "Qui/que ? croire quand l'autorité est mystification ?" Brusquement se profile...le vide pascalien ?
Il y a un certain temps, j'ai ouvert le Grand Robert étymologique pour regarder le mot "science", et je me suis mise à rêver...
C'est fou, un signifiant... identique qui a pu subir tant de transformations dans son signifié (ne parlons même pas de référent..), avec les âges. Fou, de lire toutes ces définitions, vraiment très éloignées, et me rendre compte qu'elles correspondaient à des dires des personnes en chair et en os à des époques différentes.
Quand on songe que toute "science" venait de Dieu pour nos ancêtres, et que maintenant mon frère de 50 ans renvoie la foi de son père à une histoire de dupes, ou de contes pour enfants, et bien... nous avons fait du chemin, vous ne trouvez pas ? (Je ne sais dans quel sens nous avons fait ce chemin, d'ailleurs...)
Il est bien difficile d'intriquer un Dieu imaginaire à un Dieu symbolique, et Lacan lui-même a lutté contre SON destin de... non dupe...
Etre de chair ? Etre d'esprit ?
Je me bataille avec Descartes en ce moment dans ma lecture, mais je crois que le lien/l'intrication est LE problème pour notre société en ce moment.
Avec le temps, j'ai construit ma petite théorie linguistique..
Si on peut tuer le Roi, on ne peut pas tuer... "le Roi"..
"Aber des Herrn Wort bleibet in Ewigkeit". (Je crois que c'est Isaie, mais je n'en suis pas sûre.)
"Mais le Verbe du Seigneur dure pour toute éternité".
Si on supprime (sans tuer le roi...) "des Herrn", on a toujours... le Verbe dure pour toute éternité.
Comme c'est vrai...si le mot "science" peut être cité.
C'est un rude problème, vous ne trouvez pas, qu'on ne puisse pas tuer.. "Le Roi" ?
Comme l'atteste si bien le dicton "Le Roi est mort, vive le Roi"...
L'assujetissement au signifiant est un lourd fardeau que porte l'humanité, et chaque homme....

 denis duclos
Samedi 22 Septembre 2012

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Il est vrai que « le roi » est bien plus difficile à tuer que le roi, parce que cela nous renvoie à la majesté un peu monstrueuse de la culture humaine en général, celle qui invente et maintient le langage, dont dépend désormais, comme primates parlants, notre seule possibilité d’être reconnus par nos congénères, à commencer par nos mères. De là à renommer le roi « chose publique » ou « société », il n’y a qu’un pas : celui qui assure la perennité de la souveraineté en coupant la tête au souverain (pauvre Macbeth). Isaïe est un agent de l’éternité imaginaire de la loi anthropologique tout comme Claude Lévi-Strauss.
Je suis donc d’accord avec vous, mais… tout de même, je crois aussi que le signifiant est lourdement lesté de tendances pré-langagières à l’imago collective. Ceci, je le sais, ne relève ni de l’orthodoxie lacanienne, ni, plus largement, du primat absolu de la culture décrétée par une majorité d’intellectuels (ce qui es compréhensible étant donné notre statut de sophistes). En tout cas, cette présence de la nature en arrière fond me permet paradoxalement de rechercher un allègement du fardeau du symbolique dans une stratégie plus simple que la circularité de la critique des signifiants par d’autres signifiants (fussent-ils psychanalytiques)… Une ruse qui ne marche pas bien avec le collectif même si les analysants y trouvent parfois leur compte libératoire. Je rejoins peut-être là (en partie) un aspect du pragmatisme américain qui n’a pas que des défauts. Je sais bien que « la nature » est aussi un signifiant, et non des moindres, mais laissons au moins planer le doute que la nature n’y sera jamais réductible. Çà nous permettra d’être en accord avec Gödel (et soixante dix ans de retard) sur la limite d’autofondation du signifiant, fût-il formel ou « scientifique ».Je veux en venir à ceci : plus nous admettons que nous existons sur plusieurs plans parallèles irréductibles (culture, nature, familier, sociétal, sens, règle, etc) et moins nous laissons-nous envahir par la certitude que nous sommes des singularités, des entièretés nécessairement aliénées et altérées par les autres. Mais pour y croire ensemble, peut-être serait-il nécessaire d’admettre que les voies du Seigneur sont non seulement impénétrables, mais qu’elles sont toujours plurielles et même surtout contradictoires !
Autrement dit il y a un avenir après l’égalité christiano-hellenique, la régulation musulmane de la toute-puissance, ou l’harmonie confucéenne : la pluralité. Qu’est-ce à dire en deux mots (à côté des 1500 pages que j’y consacre dans le document « éloge de la pluralité », téléchargeable par les gens ayant « a lot of free time » et pouvant tricoter en lisant sur l’écran) ? Il s’agit de faire circuler la haine entre nous comme nous la faisons circuler en nous. Comment ? En admettant que notre liberté la plus intime consiste non pas à nous confondre avec un type de signifiant (et son organisation), mais à reconnaître que nous pouvons glisser vers d’autres, d’autant plus importants pour nous que la nature (Dieu de Spinoza en bien plus bordélique, ouvert, inachevé, balbutiant, non écrit, non parlable, etc) nous y convie avec insistance.
Comme le disait Mélusine (que je soupçonne d’être un homme), sans nature plus de sexe (ou l’inverse) résistant farouchement (et agréablement) à l’évaporation par le signifiant. Mais il n’y a pas que « la nature » parce que, justement, la nature n’est que diversité de réels supportant la catégorisation des signifiants. Il y a le Familier, le Vicinal, le Civil, il y a l’Art, l’Intellectualité, la Mystique, tous domaines à la fois symboliques et réels, culturels et naturels, tous concurrents et possiblement alliés, en tout cas réciproquement nécessaires, sans être fonctionnels. Autrement dit, si je ne crois pas que le discours du psychanalyste puisse servir de signifiant répartiteur ultime, qu’il n’arrête pas la circularité des signifiants, sauf au hasard de bon gros lapsus non analysés, je crois (c’est mon père Noël à moi) qu’une politique reconnaissant une division subjective et pratique des façons préférentielles d’être humains et l’inscrivant comme fondement anthropologique d’un « Droit des êtres Humains ») (ni droits de l’Homme ni Human Rights), qu’une telle politique, donc, est désirable, possible, et probablement réalisable sur les restes fanés d’un Etat-monde transitoire. On peut et on doit la préparer dès maintenant : par exemple en défendant l’intellectualité pour elle-même (et non comme éternelle parasite et donc éternelle victime du discours utilitariste, et donc comme plainte récurrente poussant à la parano passéiste –entre Millet un peu fou, et Finkielkraut trop triste) ; par exemple en défendant le Familier pour lui-même comme convivialité, fréquentation, amour, amitiés (et non comme école de parenté obligatoire, ou comme type de contrat officiel, etc.) ;par exemple, en défendant le Naturel (comme indépendant du maïs ou du soja trangénique américains) ; par exemple en respectant l’intuition mystique parfois hallucinée –prenant Dieu en dulcinée- dans sa radicale singularité par rapport à ses embrigadements religieux, et sans techouva obligatoire ; etc, etc.
Bien à vous, DD
 denis duclos
Samedi 17 Novembre 2012

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Réponses en vrac, au fil de vos phrases qui m'ont accroché un peu au hasard, plus en patchwork qu'en tricot, il faut bien le dire.

A propos de la langue française devenue « dry and dusty », et sans H aspiré, je suis assez d'accord, c'est la faute à Rousseau, ce Suisse qui a confondu pour nous Etat et peuple :au bout de 250 ans, çà a fini par faire son effet. Mais je crois que la tendance est générale dans une société-monde dont les métaphores sont de plus en plus techniques, juridiques et gestionnaires. Quand j’entends les « talking heads » sur Reuters ou CNN, je suis frappé par l’appauvrissement de leur langue, notamment dans le sens d’une trop grande vitesse : c’est une sémantique de conducteurs de jets ou de drones. Mais je crois que chaque langue recèle des trésors à déterrer un jour ou l’autre, quitte à réapprendre le « slang » local. J’ai trouvé sur un muret de jérusalem (qui me sert de bibliothèque à ciel ouvert) une « bible en argot » parisien assez bidonnante.
Par ailleurs, je me souviens d’une époque récente où les Canadiens suivant Trudeau, traduisaient leurs panneaux en français, ce qui demandait deux fois plus de place : mais c’est simplement parce qu’ils n’avaient pas appris la langue de Voltaire, mais plutôt celle des Jésuites, directement traduite du latin. S’ils avaient usé du français le plus direct, ils auraient probablement économisé du panneau, bon, pas autant qu’en Hébreu, d’accord :une langue championne en brieveté contondante.

Sur Szasz, bien d’accord, et notamment la critique de sa dérive vers la condamnation du Fou comme « bien » pour le Fou. C’est comme si on voulait soigner la parano de l’individu par la parano collective.
D’accord sur votre critique de la psychanalyse comme moralisme public. C’est assez infernal, mais il faut aussi voir que le progrès de l’approfondissement d’une critique subjective de la technoscience par le seul fait d’avoir mis en cause un « sujet de la science », un sujet du désir de magie technoscientifique, a enragé certains technos comme Alan Sokal. Donc, ce n’est pas seulement un « jargon » qui a été dénoncé, mais, plus profondément, le droit même de critiquer la science. De plus, l’arrogance avec laquelle ces Fouquier-Tinville de la mondialité ont rabattu le caquet des intellectuels français, et les ont tous fourrés dans la même charrette du « charlatanisme » est désagréable. Cette élite de juges n’a aucunement permis de susciter de nouveaux intellectuels prenant pour acquis la découverte de notre assujettissement aux signifiants. Elle a cassé plein de gens intéressants –même un peu jargonneux-, et a fait de la planête actuelle une morne plaine pour l’intellectualité. Et la gauche chomskienne, seule restée sur le champ de bataille, n’y a rien gagné.
Elle n’a même pas compris que la fameuse phrase énoncée par leur maître (« les idées vertes incolores s’endorment furieusement ») pour mettre en évidence la non-grammaticalité d’une sentence « absurde » avait un sens prémonitoire évident : les idées des Verts, devenues sans couleur ni saveur nous endorment au milieu de furieuses urgences ! Elle n’a pas compris non plus, cette élite gauchisante et scientiste que si je dis : «Coco est un perroquet », ce n’est pas pour décrire un aspect du monde, pour dire une circularité entre nature et langage, mais pour souligner le fait qu’on peut excuser Coco de me répéter sans me comprendre, et que mon interlocuteur, lui,serait inexcusable d’en faire autant !
Je pense que l’un des intérêts de la psychanalyse est d’avoir soutenu une culture à partir d’une expérience privée permettant aussi un marché, et donc une certaine autonomie par rapport aux grandes institutions religieuses ou étatiques. Mais ce marché, s’il a soutenu une certaine autonomie, a aussi produit son hétéronomie : il dépend du client, tout comme l’université américaine dépend de l’étudiant qu’elle plume et endette presque à vie. Autrement dit, il faudrait réfléchir à des formes d’autonomie plus réelle.
Le mythe de la genèse destitue effectivement la cosmogonie païenne pour imposer le logos : oui, mais il ne faut pas oublier que ce n’est pas la reproduction sexuelle que le paganisme soutenait, mais un autre logos, liant les gens par les nomenclatures de parenté, nomenclatures qui enfouissent le sexe dans des systèmes de relations entre sujets. Il n’est que de lire Lévi-Strauss pour voir que ces nomenclatures sont du « logos » pur. Le monothéisme élargit simplement le logos à des familles dispersées. De plus, les mythologies primitives –ou premières, comme on dit aujourd’hui- désignent des ordres de rapports : rapports entre l’organisation imputée aux animaux et la notre, rapport entre l’âme animale et la nôtre, rapport entre la famille animale et la nôtre, etc… bref, rien que des proportions, des métaphores, des rapports, autrement dit encore du logos.
Pour ce qui ce qui concerne la co-adaptation de l’outil et du vivant humain, je suis d’accord. Mais le langage humain n’est pas juste un outil. C’est aussi ce qui implique un sujet pour cet objet, et cela seul pose problème dans une nature qui ne procède pas ainsi hors de la culture. Le langage force à n’utiliser les objets que du point de vue d’un sujet, et cela bien avant que Descartes n’hallucine le sujet de la pensée rationnelle. De sorte que lorsque Bruno Latour affirme (au grand dam d’un Sokal appelant Descartes au secours) que « nous n’avons jamais été modernes », il aurait tout aussi bien pu dire : »nous avons toujours été modernes », parce que ce qui compte vraiment, c’est la longue durée du langage. Or sur cette longue durée –qu’on ait de la connexion symétrique comme dans la culture chinoise ou de la connexion antisymétrique comme dans notre logique aristotélicienne- ce qui prime est toujours la métaphore qui compare des façons d’être humains à d’autres.
L’épée qu’on retrouve dans un tumulus n’est pas un outil de guerre ; c’est le double métallique du grand guerrier, dont elle partage d’ailleurs le nom. Qu’elle s’adapte à sa main ne relève pas de la technique, mais de la métaphore qui en fait le prolongement de l’intention. Mais cette intention est celle d’un personnage de légende, laquelle ne parle que des rapports des gens entre eux, et pas de leurs outils. C’est pourquoi, quand le guerrier meurt, son épée meurt aussi…. Ce qui est précurseur des objets morts et extérieurs dans la société moderne (et pas seulement américaine). Ce qui sépare l’Américain moderne du Primitif n’est donc pas si grand : c’est juste une petite inflexion dans la métaphore ; juste le passage entre la phrase : « il est l’épée de Dieu » à : « il a un magnum dans la boîte à gants de sa voiture ». En quoi consiste au fond ce passage ? à l’instauration d’une petite difficulté : il est en effet plus difficile de dire (et de penser) que « le magnum a un homme sur le siège du conducteur », que de dire (et de penser) que « l’épée de Dieu, c’est lui ». On a instauré une dissymétrie qui crée un temps de retard, un détour : on a séparé le sujet de son objet, interdisant à celui-ci de se retourner contre son sujet (sauf pour un suicide : ce qui interroge sur le suicide des mass killers toujours surarmés). Mais ce faisant, le sujet est réduit à une pure intention, et comme celle-ci est réductible à une pulsion ou une séquence instinctuelle, c’est une façon de dire que l’intériorité s’annule dans l’extériorité : nous sommes tous des particules élémentaires ! Bon : la seule chose qui a changé est que nous sommes, du coup, des éléments du processus global du réel. Nous sommes ainsi apprivoisés par la cosmogonie du monde mécanique, dont seule émerge notre glande pinéale selon Dédé le Carton ou notre âme éternelle selon Dos Carré (ce que veut dire Plato). Dans d’autres cas, nous somme apprivoisés par d’autres métaphores : celle selon laquelle nous sommes tous des oiseaux soit rapaces soit collectionneurs (ou une variante de ce thème australien), ou celle selon laquelle le rapace n’est qu’une extension de notre esprit, ou encore celle selon laquelle le toucan ferait un bon beau-frère (pour un Jivaro, tout au moins). Autrement dit, nous ne sommes pas apprivoisés par des objets, mais par des métaphores gouvernant une société , et nous concernant directement, via le statut des objets. Bref : chaque métaphore ayant ses problèmes, nous risquons fort de nous sentir tout aussi morts que nos objets (ce que perçoit bien le dépressif glissant à la mélancolie), tout simplement parce que le mouvement mécanique est «celui des choses mortes » selon Hegel. C’est d’ailleurs pourquoi le Zombie –dahomeyen ou haïtien) nous fait la leçon en nous imitant : coupés de nos parentés ancestrales ou de nos descendances, que pouvons-nous être sinon des morts vivants, dans le s couloirs du zoo post-moderne ? En attente éternelle d’une chaise électrique qui nous réveillerait enfin ?
Le problème de la société-monde à venir, c’est qu’elle devra probablement récupérer les vestiges de métaphores inadéquates à la globalité, pour en faire quelque chose qui nous soigne : par exemple, nous avons besoin, pour supporter ce grand machin, de le diviser en feuilles, en strates différentes : sur l’une d’elle, nous sommes des particules élémentaires rassemblées en zombies instrumentalistes; sur l’autre, nous sommes des parents aimants et chamaillants ; sur une troisième, nous projetons nos âmes dans des animaux volants non identifiés (ah l’appel du piano, le soir au fond du boa !!) ; sur une quatrième, nous lisons dans la nature nos propres organisations politiques … Comment allons-nous lier ces feuilles ensemble ? (métaphore du mille-feuilles contre celle de la truffe ?) c’est cela qui me semble important pour l’avenir proche, plutôt qu’une utopie évacuant les différences. Les asiatiques nous ont montré le chemin : taoistes au jardin, Confucéens en famille ou en Etat, bouddhistes au soir de la vie (la dissolution du sujet s’opposant efficacement à son effondrement coupable). Mais nous pouvons inventer d’autres pluralités.
(la traduction en anglais sera évidemment différente)....


(P.S. 1 : J'ai rien bu au mariage,mais hier à la fête du beaujolais à l'institut français de Jérusalem, j'ai réussi à me faire servir 6 foisd'un fond de verre (ration de crise), ce qui a fait finalement un verre plein, pendant qu'un copain apprenti curé nous chantait : "J"aime les filles". Revigorant. PS 2 :non, je ne lirai pas Bernard Werber, je préfère Jack Vance, surtout les histoires de Cugel l'astucieux, j'adore !)
 denis duclos
Dimanche 22 Novembre 2015

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J'ai été en désaccord avec Onfray, et le reste sur plein de points, où, selon moi, il se manifeste en irresponsable. Mais bravo à sa ferme position sur le moyen orient, consécutive à l'attentat de Paris. Il a pleinement raison de rappeler que la guerre a été engagée par Bush en tant que croisade, et que nous l'avons continuée à coups de bombardements avant le 13 novembre.
. C'est un type courageux, tout de même. En pleine hystérie sécuritaire, c'est précieux.
Denis Duclos

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