Il n'y a pas de crise financière : seulement des crises de confiance et appel à l'Etat-monde

 denis duclos
Samedi 22 Septembre 2012

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Sur la prévision :sur un plan général, vous avez raison, elle n’est guère efficace et constitue un genre, une posture dans l’actualité (cf Nouriel Rubini). Mais dans le cas précis de la crise commencée en 2008, il est flagrant que nombre de gens savaient et qu’ils ont tout fait pour le dire publiquement, l’expliquer dans un détail impressionnant. (Voir les livres de Paul Jorion, publiés alors à grand peine). Le fait que les médias et la quasi-totalité des intellectuels semblaient sourds et aveugles me pose tout de même problème ; si le débat démocratique ne peut pas être préparé par les gens « qui savent », ne se manifeste-t-il pas là une aspiration au suicide collectif ? Il est vrai que ce sont les « masses qui font l’histoire », et que celle-ci est accouchée par la violence. Malgré tout, si je conduis le nez sur le volant et que ma passagère m’indique tranquillement que nous allons aller nous écraser sur un camion-citerne, la moindre des politesses et que je l’écoute un peu. Non ?
Votre phrase « je crache sur l’Etat-monde », me rappelle, pour sa véhémence, Toni Negri dénigrant « cette merde d’Etat-Nation ». Personnellement, je suis aussi libertarien qu’il est donné à un Français de l’être, et peut-être même davantage ! L’idée d’Etat ultra-minimal selon Robert Nozick me fascine et au fond j’y souscris. Rien ne m’est plus étranger que les idéaux planétaires et planants où Attali se complait. Mais…. Comment passer le cap du clash des civilisations (dont nous entendons les bruits d’embâcle inquiétants) pour parvenir à une division plus intéressante de la société humaine, une division plus compatible avec celle de nos grandes passions irréductibles ? Comment dépasser le paradoxe selon lequel la paix (c'est-à-dire le contraire de l’hiver nucléaire) ne peut être acquise que par l’hégémonie impériale d’une superpuissance, évidemment tentée (comme Athènes, puis Rome, plus tard Paris, Moscou ou Londres) de s’asseoir sur la tête de ses sujets, et de vivre confortablement à leurs dépends, ce qui prépare immanquablement leur révolte et la destruction de cet ordre injuste ?
Franchement, je ne vois qu’une solution, déjà bien avancée d’ailleurs (car nous y sommes sur bien des points) : un « Etat » multinational et multiculturel, une abdication réciproque d’une part des grandes souverainetés, apte à interdire la furie de s’emparer d’un nombre assez grand pour déclencher l’irréparable. De toute façon, la règle régissant la société-monde ne pourra jamais relever d’une souveraineté républicaine à la Rousseau, sauf peut-être de manière partielle pour le désarmement d’une part, et d’autre part pour la nature comme bien commun de l’humanité. Ensuite, cet « Etat » (au sens où Kant parlait de Rechtlicher Zustand) est immédiatement appelé à dépérir, ou à être démonté comme un échaffaudage, dès lors que de nouveau principes d’équilibre entre autonomies pourraient être découverts ensemble. La chose la plus intéressante est ce qui vient après ce passage « étatique »…
Et puisque vous revenez souvent sur le Père Noël, je crois qu’il a depuis longtemps été castré par la théorie hellenico-judéenne qu’on appelle le christianisme et dont Freud remarquait que c’était la façon occidentale de produire de l’égalité père-fils, notamment en faisant connaître au père l’expérience de la mort via celle de son fils. Dieu n’a donc pas attendu Nietzsche pour éprouver la mort et cela fait au moins 2000 ans que nous avons des difficultés à avaler que nous sommes tous des assassins du fait même de notre démocratisme. Et votre divan est sans doute bien placé pour entendre, aussi confortablement sourd qu’il soit, la récusation acharnée de cette culpabilité et son imputation à l’autre… Que, dans le sociétal occidental, cette récusation plus ou moins parano, finisse toujours par tomber sur le juif (le père Noël originel ou son double) n’est pas étonnant, et je m’étonne qu’Onfray ne soit pas encore parvenu à cette « évidence », bien que son choix de Freud en tête de turc n’en soit probablement pas très éloigné. Il lui reste sans doute un reste de défense psychique, de prudence et de retenue qui lui évite les coming out à la Dieudonné, Meyssan, Millet, Renaud Camus, etc.
Je crois que nous serions presque d’accord ici pour identifier comme ravages ces pétages de plombs signalant finalement la rage d’avoir tué Dieu et l’empressement à le reconstituer, mais il faut aussi tenir compte du fait que la démocratie (finalement seule réelle auteure de l’égalisation entre les fils découlant du meurtre du père : voir Tocqueville) est un défi humain passionnant. Le problème qu’il faut résoudre est bien de savoir comment la promouvoir au niveau de l’humanité entière sans que le spectre paternel ne fasse immanquablement retour. Autrement dit, il ne suffit pas de ressusciter Dieu comme idéal vivifiant, ou bien alors, ce qui revient au même, il serait intéressant de modifier notre rapport intime, mystique avec le divin (notre père Noël intérieur, quasiment indéboulonnable) de telle façon qu’il ne nous apparaisse plus seulement comme figure paternelle ou maternelle, mais dans une sorte de connaturalité avec nous-mêmes… Et là Jésus n’y suffit absolument pas puisqu’il est indissociable de la dialectique parentale, et nous y renvoie indéfiniment : le mythe trinitaire en témoigne logiquement. Je laisse cette discussion ouverte… (Et à propos, je vais ce soir à un mariage à Bethlehem…) DD
 denis duclos
Samedi 17 Novembre 2012

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Un mien étudiant en thèse soutient l’idée que les Eglises chrétiennes vont « récupérer » l’écologie comme un nouveau carburant pour la religiosité en recul dans nos contrées laïques. Je crois qu’il se trompe : l’eschatologie, c’est-à-dire l’envie d’en finir étendue au monde, reste centrale dans le christianisme, et dans l’église catholique en particulier, qui ne cherche pas l’éternité dans la création ou dans la nature. Bien sûr que nos déchets, aussi envahissants soient-ils, appartiennent à la nature (sauf à définir cette dernière comme ce sur quoi ne nous ne sommes pas intervenus avec nos moyens civilisés), mais ce n’est pas très agréable : en témoigne la mélancolie de Naguib Mahfouz, quand il décrit les petites rues du Caire dont le niveau du sol à monté de quelques mètres sous les couches de détritus accumulés depuis des décennies. On peut, bien sûr s’en contenter, ou aller vivre ailleurs tant qu’on le peut, près de Walden pond. Mais pourquoi condamner ceux qui ne s’en contentent pas ? Et notamment, justement, plantes et animaux qui meurent en silence de ne plus pouvoir vivre dans notre encombrement acharné. D’ailleurs maints animaux, étudiés par des éthologues , vivent du partage de leur monde avec d’autres espèces (je ne parle pas de notre propre symbiotisme avec les bactéries) : il y a donc bien des mondes communs, et chaque monde est un multimonde. Le problème est que nos artifices rendent au fond , une fois les quelques avantages immédiats absorbés, la vie plus difficile et souffrante pour tout le monde, humains et autres vivants.
Le mot « nature » est utilisé dans des sens très différents. Mais je maintiens qu’un de ses sens –ce que ne fait pas l’Homme- garde une grande importance : quand par exemple cette « nature » a mis des centaines de millions d’années à libérer l’oxygène du carbone et à enfouir la radioactivité, nous travaillons bien contre elle quand nous libérons le carbone et déterrons la radioactivité.
Ce n’est pas l’artifice en lui-même qui est problématique, mais l’extension infinie d’un genre unique d’artifices : ceux qui cherchent la surpuissance et l’écrasement., et qui sont rendus justement possibles chez une espèce précise : celle qui dispose de la machinerie symbolique, et compense son aliénation par une boulimie d’imaginaire. La question demeure pour moi : est-ce que nous pourrons apprivoiser cette machinerie pour qu’elle ne produise pas que de la destruction de la vie ? Il n’y a là aucune quête d’utopie salvatrice : plutôt celle d’une pratique de soin adaptable à l’échelle des problèmes. C’est un défi intéressant, comme naguère celui d’une médecine plus efficace.
La mélancolie, c’est aussi l’une des passions psychotiques les plus séductrices et les plus puissantes : il n’est pas certain que l’idéal d’anéantissement et de paralysie qu’elle propose ou impose –à ceux qui n’ont pas d’autre recours- soit plus légitime que l’amour de la vie et l’effort pour la soutenir, quand elle est menacée.


Le judaïsme est effectivement l’origine, mais aussi en tant qu’il a absorbé et reconstruit des influences perses, égyptiennes, et hellénistiques. La problématique de tout monothéisme et notamment du premier, c’est l’unité du peuple par la loi. Mais il ne s’agit pas du même peuple : pour le juif, il s’agit d’un peuple dispersé. Pour le chrétien, d’un peuple d’empire à égaliser. Pour le musulman, d’un peuple bédouin à regrouper autour des grandes familles marchandes de Médine, dont la Kaaba n’est que l’indice. En ce qui concerne Jésus, pour ce qui est du personnage historique, il a probablement été infiniment plus éloigné de ce qui en a été fait que tout ce qu’on peut imaginer : c’était probablement un pharisien marié, au milieu d’une guerre de pharisiens mariés en proie à la concurrence des fonctionnaires du Temple. Ses préceptes (amour, etc.) peuvent se retrouver presqu’à l’identique dans une série de textes rabbiniques, et ses permutations ne sont pas plus –ni moins- nombreuses ou radicales que celles trouvées dans les commentaires de la thora. On n’a le sentiment d’une sorte de trahison historique que parce qu’on romantise un personnage-source, parfaitement imaginaire, et qui serait « témoin » immobile de l’histoire. L’enfer, c’est de rester immobile !
D’accord pour ne pas tomber dans le panneau du Lion devenu détenu de luxe, qui me fait penser à la Fable de La Fontaine sur le loup et le chien : ce dernier, bien gras, lui expose la bonne vie qu’il a, mais lui cache son collier : quand le loup le voit, il s’enfuit « et court encore ». Il y a aussi le beau livre de Romain Gary sur le chien blanc : chien dressé à l’attaque des Noirs…
D’accord pour la critique de l’esclavage moderne qui ne se reconnaît pas dans la condamnation de l’esclavage ancien. De La Boétie à Von Hayek, on a beaucoup écrit là-dessus, sans vraiment trouver de solution à la servilité, ni surtout à l’esclavage mutuel. Cela dit, je crois que si nous voulons en sortir, nous pourrions tenter de distinguer la liberté des personnes ou de leurs proches, et celle des institutions, des « personnes morales », qui s’emparent du droit commun pour construire des puissances immenses de manipulation sur les individus. Je ne pense pas que cela demanderait beaucoup de changement dans les constitutions ou les droits : il suffirait de dire que la personne ne peut être qu’un individu physique, et que l’institution ou la « company », la « society » ne peuvent passer pour des personnes sous le seul prétexte qu’elles font la somme de volontés particulières.
Tout à fait d’accord sur la mélancolie comme pente pour échapper à la subjectivité, à la position de sujet : Pommier (qui n’est pas un arbre mais un psy) a commis un livre intéressant sur la mélancolie d’Althusser : ce dernier explique que ses nombreuses œuvres ne sont pas de lui, mais… de son grand père !
Tout à fait d’accord sur la continuité entre démocratie grecque et projet paulinien, c’est ce que je me tue à expliquer à d’autres, qui ne voient pas du tout le point. Mais que la vieille opposition juif/chrétien ne soit plus d’actualité… c’est un vœu pieux ! Car il suffit d’un seul film sur « la mise à mort de jésus par les juifs » pour faire remonter l’antisémitisme des jeunes Américains de 10 à 35%, presque instantanément . C’est récurrent, car çà active un ressort inconscient puissant, chez celui qui vit dans une société de ceux qui ont «tué le père » : et cela est encore plus valable chez les « déchristianisés » qui ont parachevé l’opération dans l’égalitarisme post-moderne. Exactement ce que vous dites, d’ailleurs avec le paradis selon Disney. On peut presque soutenir l’hypothèse que l’antisémitisme récurrent (mêlé aussi de formes antimusulmanes), sera d’autant plus fort que la société sera laïcisée dans le sens d’une égalité mécanique absolue, et cette fois sans arbitre divin, littéralement liquéfié dans le système du marché ou dans la bureaucratie planificatrice.
Bien sûr que ce sont les frères qui se tuent…. Mais au nom du père déjà tué. Les frères se massacrent en se reprochant réciproquement d’avoir tué le père. Ce n’est donc pas plutôt le meurtre du père ou plutôt celui des frères, mais le dernier au nom du premier : sans le meurtre du père, pas de tuerie entre frères.
Oui, on jette Dieu par la fenêtre, et il revient par la fenêtre déguisé en … monstre boucher, tueur d’enfants et au vêtement tout sanglant, et au grand couteau (Attributs du SantaKlaus, St Nicolas primitif, double d’Odin « qui voit tout » et du père fouettard) tant il est vrai que la fête de Noël n’est qu’un remaniement du Halloween (« all the saints evening », fête des morts hivernale) où les enfants morts viennent nous réclamer leur dû, un peu comme les enfants-sorciers d’Afrique. Bien sûr, et c’est même le processus inconscient automatiquement lié à tout égalitarisme… et donc à toute tentative de démocratie. Ce qui n’est pas une raison pour récuser la démocratie, mais pour accepter le fait que tout effort civilisationnel de ce type entraîne nécessairement des « by-products » pas nécessairement agréables (surtout si on le greffe sur une société hiérarchique, de « famille souche » avec père autoritaire, comme dans l’est européen, par exemple). Qu’y faire ?

Tout à fait d’accord sur le fait qu’on ne commande pas l’amour, que l’amour ne peut être un commandement (jamais, jamais de loi, chante Carmen) , ne serait-ce que parce que concernant un « tout le monde » , ce dernier ne concerne personne en particulier et ne peut être qu’un commandement abstrait –et d’autant plus terrible-. Pour le sujet, je ne dirais pas qu’il est une grâce : plutôt ce qui, de lui, réussit à échapper à l’obligation de subjectivité, au devoir de paranoïa (le contrôle odinique de soi et de l’autre).
Mais vous idéalisez les écrivains des évangiles : ils n’ont fait que traduire dans l’intuition religieuse et mystique la nécessité de l’égalité dans l’empire. Çà a tout de même marché un peu, bien que surtout dans la forme étatique de la Chrétienté. Ils ont créé des personnages « à imiter », et comme çà faisait référence commune, çà a permis à des saints, des marabouts, des mystiques, de faire semblant de les imiter sans être tout de suite brûlés. Mais on ne liquide pas comme çà une culpabilité liée simplement à la matérialité de l’extension de la société humaine , car si : masse + grande = démocratie indispensable = culpabilité + grande d’avoir cassé le principe hiérarchique (c'est-à-dire la différence de générations incarnée dans le principe paternel). Ce qui est difficile à comprendre, c’est qu’il n’y a pas vraiment là de « mal » ou de « perversion » : rien que des nécessités culturelles qui se transforment en dilemmes et en drames, en dévastations, donc en défis supplémentaires de la raison et de l’affect.
La question n’est pas qu’il faille remplacer le père par le mari, mais qu’à chaque fois que le mari prend stature de père (par rapport aux enfants, par exemple), « je » crois avoir un peu participé à un meurtre de mon père. C’est cette tendance qui est accentuée dans la démocratie de s majorités et des retraites, des fonctions temporaires, des « politically correctness » etc. Et plus on l’accentue, plus on est contraints de l’accentuer pour faire fonctionner le système, et plus revient la culpabilité.
On a beau adorer son propre père et ne pas consentir à en réduire la place, quelque chose pousse à craindre qu’on l’ait fait, malgré soi, pour ainsi dire. Dans une société petite et villageoise (comme en Afrique), on craint que le père (ou l’ancêtre) ne se réincarne dans l’enfant pour réclamer son droit, ou punir ses descendants. S’il se venge de l’ingratitude de la descendance, on a tendance à le criminaliser, ceci au nom de la solidarité horizontale entre familles appartenant à la même communauté économique. La filiation menace la coopération. Et de fait, la communauté peut être mise en péril par l’antagonisme entre les familles qui peut toujours dégénérer en vendetta. Chez nous (les grandes sociétés où la coopération élargie menace la famille et non l’inverse), nous attaquons la descendance, et la figure de l’enfant-martyr remplace celle de l’enfant-sorcier. Or qui martyrise l’enfant ? Une figure de l’adulte, d’où le succès du pédophile comme figure de haine, et celle du prêtre ou du professeur comme référence privilégiée pour le pédophile. Avouez que le père n’est pas loin !
(suite et traduction plus bas)
 Denis Duclos
Samedi 24 Novembre 2012

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Je suis d'accord pour aller cracher sur notre tombe commune hyperétatique : mais dans ce commentaire déjà dépassé par la crise suivante (celle que nous vivons et qui est la même), j'anticipais sur son résultat final -probablement à prévoir pour dans une dizaine d'années après des secousses très éprouvantes- : à savoir, un hyper-Etat à la fois privé et public, et ayant pour fonction essentielle de réguler nos idéaux et nos excès au plan directement mondial. Il aura ainsi à écouler aussi lentement que possible la dette accumulée, probablement par transferts discrets de pays émergents vers les pays ex-riches devenus idiots, tout ceci sans engraisser au passage la spéculation devenue folle. Il aura aussi à éviter que les conflits ne dégénèrent en guerre mondiale nucléaire et bactériologique. Il aura à gérer une masse énorme de "non emplois", liée non pas à l'endettement mais simplement au fait que les machines travaillent à notre place. Il aura à adoucir le choc énergétique et le choc écologique,toutes choses qu'un capitalisme anarchique ne peut pas faire.
Je pense plus que jamais que c'est là notre destinée, et elle n'est pas drôle du tout. Je ne la souhaite absolument pas et ferai tout pour l'éviter, pour envisager avec d'autres des solutions alternatives. Mais puisque le "pauvre fric" a anticipé sur tous nos espoirs les plus légitimes (avoir une petite maison avec un petit jardin) comme les plus fous, et qu'en conséquence, le capitalisme est mort (et ne le sait pas), je ne vois vraiment pas qui et quoi pourrait prendre la relève, si nous ne voulons tout simplement pas entrer dans la guerre de tous contre tous.
Je crois que ce qu'il faut commencer à imaginer, c'est la façon dont cet hyperEtat peut être subverti sans que lâche sa clef de voûte, garante d'un répit avant suicide collectif. Subverti non pas par un "dépérissement" que Marx imaginait comme passage de l'exploitation des hommes à l'administration des choses, ce qui est peut être encore plus horrible, pour autant qu'il n'avait pas prévu que les choses en question seraient justement les hommes. Mais subverti par sa sa propre division interne, par notre propre division interne entre grandes passions irréductibles.

Ce n'est pas tant Dieu qui garantit le symbolique, (dont il peut au contraire être une dissolution complète dans un grand Tout plus ou moins personnalisé, maternant ou vengeur ) qu'un mode d'affrontement entre nos passions, un art martial de l'analyse, tel que nous avons envie de continuer à "changer de métaphore" (mouvement que j'identifie à la symbolisation, car rester coincé dans une métaphore, c'est la métamorphoser inéluctablement en métonymie, et donc en absorption de la pluralité dans l'Un ou l'Une, comble de la signification pour nous). Tricoter-détricoter peut certes être une façon de changer de métaphore, mais c'est aussi, un peu comme l'érudition du vieux monde : faire du surplace dans un discours de rangement et de re-rangement. La mule Jenny, quoi. J'aime bien ranger mon chez-moi et ma bibliothèque, mais à un certain moment, il est peut être libérateur de changer de chez soi et de bibliothèque. Et en tout cas de ne pas en attendre de réglement ultime. Et çà, c'est affronter une passion, peut-être l'une des plus forcenées, celle de l'obsessionalité, cet idéal de calme serein, justement celui qui anime l'Etat-monde en nous tous, et pour notre bien à tous : tous bien tricotés une fois pour toute et planétairement , en plus : la planète comme énorme pelote de laine bleue ! (l'obsessionnalité va bien avec l'esthétisme). Ou comme urne vide.
Certes je préfère la brutale et brêve colère de l'obsessionnel à celle du parano, tout en sueur de haine permanente et de culpabilité insondable. Et je la préfère aussi au désir de "toujours plus" où nous résidons pour ce qui est de notre moment scientiste et technophagique, mais tout de même ... vient un moment où il faut se bouger vraiment, et la colère peut y aider, d'ailleurs, à condition de ne pas en être changés en statues de sel. Pour certains, "se bouger" signifiera passer du tricot à l'élevage du mouton (animal difficile à détricoter), pour d'autres passer à la vache ou aux poules (peut-on faire des tricots en plumes ?), ou à leurs oeufs. Pour d'autres encore, créer son école et arracher ses enfants à la grande république (sans pour autant leur enlever le droit aux copains), pour d'autres, je ne sais quoi encore pouvant sincèrement vouloir dire : "non, ce n'est pas encore çà !". Pour d'autres enfin, passer du piano à la politique (ou l'inverse), mais toujours dans le sens de secouer le cocotier géant des habitudes mortifères et des partitions somnifères. Bon d'accord, comme dit mon fils de 5 ans, il ne faut pas jeter le grand-père dans le trampolin,
mais si on ne se bouge pas, toutes générations non confondues, on va se le payer le super-Etat -monde, qu'on ait ou non craché dessus, et même sans vouloir acquitter nos impôts ! : il va nous les prendre à la source, de toute façon, qu'on soit Grecs, Espagnols, Français, Allemands, perfides Albionnais ou même Chinois !!! (et en un sens, ce ne sera peut-être pas plus mal d'être un peu purgés, si on n'est pas déjà très pauvres). DD

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