Recherche :: La recherche n'existe pas en soi. C'est d'une part un statut protecteur de la liberté d'activité. D'autre part une activité de quête de connaissances. Le statut protecteur dépend totalement de la valeur accordée par la société accueillant le chercheur, ou par le mécène. Si cette valeur baisse, si le contenu mis sous le mot "recherche" change pour finir par désigner la participation à des valeurs d'usage de type industriel ou marchand, rien ne peut empêcher la dégradation des conditions permettant l'exercice de la profession. La protection par les Pairs changera elle-même pour s'aligner sur les critères de la puissance sociétale en la matière. La seule véritable protection -temporaire- est le partage implicite entre la société et le chercheur d'une "foi" dans la passion du libre voyage vers le non connu et le non compris, sans aucune garantie de la transformation des questions posées en réponses positives et incontestables. Il est par ailleurs absurde de vouloir obligatoirement combiner enseignement et recherche, bien que cela puisse s'effectuer spontanément pour beaucoup dans un désir de transmission, pour une raison simple : la passion de l'enseignement pousse le sujet à construire des schémas de savoirs acquis, vérifiés, archivés, ce qui peut limiter considérablement les "orifices" par lesquels ce sujet peut encore s'échapper vers le non connu. Plus le monument du savoir acquis s'organise comme une immense université, et plus la démarche vagabonde nécessaire pour croiser énigmes et faits devient rare et empêchée. La théorie selon laquelle la bonne recherche est désormais celle qui répond organiquement à une demande institutionnelle (plus ou moins légitime) est une fabrication ad-hoc, dont les critères de "productivité" frisent l'absurde. Pour découvrir les lois de l'univers, peut-être vaut-il mieux passer sa vie à faire du surf, comme Garrett Lisi.
Risque, risquologie (cindynique) :: pour un anthropologue dont l'objet est la culture, la notion de risque ne recouvre aucune autre réalité vraiment substantielle que le risque... pour la culture. Or le seul risque que court n'importe quelle culture est que la composition interne de la conversation qui la constitue penche vers le privilège accordé à une position au détriment des autres, et finalement abolisse la pluralité, détruisant du même coup le champ culturel ou le rendant pathologique. Lorsque la notion de risque émerge en formant son propre champ culturel, elle se divise immédiatement en deux puis quatre (puis huit, etc)
pôles symétriques, comme n'importe quel objet culturel. Ainsi voit-on rapidement se confronter une école du "risque réel" (mobilisant les savoirs techniques), une école du "risque fantasmé" (mobilisant les préventions contre le pouvoir d'alarme), une école de la "menace" (désignant le risque comme objectif militaire ou policier), et une école du "partage des risques" (centrée sur la réparation des inégalités face au risque). Progressivement, à mesure que le champ prend de la profondeur dans le temps et l'espace se constitue une certaine organicité entre ces pôles, mais aussi une dissymétrie. Au stade actuel, le système risquologique tend à s'organiser hiérarchiquement : la polarité de la menace tend à se situer au sommet, pour toutes sortes de questions. Elle s'inféode directement le plan technologique, qui, à son tour surplombe la problématique du "partage" et de la "responsabilité". L'ensemble de ces trois discours écrase littéralement le discours, pourtant aussi raisonnable, de ceux qui se méfient du thème du risque comme instrument de peur et de contrôle autoritaire. D'où notre déduction d'anthropologue : le champ culturel du risque est.... menacé -non par telle ou telle intention de nuisance- mais par l'alliance exorbitante des trois risquologies au service du sociétal à l'encontre d'une critique de la risquologie.

A B C D E F G H I K L M N O P R S T U V Z é

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