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Cultures et 'risques' / Cultures and 'risks'

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Qu'est-ce qu'une tremocratie ? (une société de la peur) Qu'est-ce qu'une "cindynocratie" (une société de la dangerosité ?)

What is tremocracy? (a society of fear). What is cindynocraty (a society of danger?)


Note importante : à l'époque de l'enregistrement de cette conférence, je n'avais pas encore approfondi
la question des "peurs dérivantes" aboutissant à un mécanisme "paranoïde" de fixation sur une suspicion, généralement pointée sur des boucs émissaires idéaux (comme les élites, les pouvoirs, ,les grandes fortunes, les complots occultes, les supposés "Illuminati", et finalement les Juifs -ou encore dans les pays émergents : les enfants, les pauvres ou les femmes). Notamment à propos des attentats terroristes du 11 septembre 2001. Depuis, en travaillant assez sérieusement les sources, je suis parvenu à la conviction que la théorie visant les autorités américaines elles-mêmes comme acteurs et manipulateurs directs de ces attentats ne tient absolument pas la route ni sur le plan technique, ni sur le plan d'une sociologie des mobilisations clandestines. Le "droit au doute" (justement avancé par le sociologue Pascal Froissart) se prolonge pour plusieurs composantes du mouvement dit "reopeniste" par une mainmise de la rumeur sur la crédulité et l'incompétence. Mécontentements légitimes et angoisses des victimes ou de populations inquiètes sont de plus en plus ouvertement capturés par des "prophètes de la peur" qui recourent aux ressorts classiques du changement de la peur en haine aveugle. Ce phénomène (que j'analyse par ailleurs sur le site) ne doit évidemment pas interdire toute question sur les stratégies des services secrets américains et britanniques au moyen-orient dans la période qui précéda les attentats. Cependant, n'oublions pas qu'une histoire des complots (réels) qui ont parsemé les cent dernières années (et notamment ceux résultant de la violence politique des droites américaines à partir de l'échec de la guerre du Vietnam) n'a pas le même enjeu qu'une anthropologie des peurs. On peut et on doit les articuler au mieux : une anthropologie des peurs tente de comprendre quel sens global prend la suite des "épidémies" (sanitaires ou criminelles) qui secoue la population en régime de mondialisation. Elle cherche à établir un modèle théorique des rapports entre symptômes et orientations politiques concernant de manière décisive les grands choix de vie. Une histoire des manipulations a pour objet la résistance des élites et catégories partageant l'essentiel du pouvoir à l'évolution d'un monde qui leur échappe.
Par exemple, dans un travail demeuré impublié (mais bientôt scanné), j'ai observé sur le terrain la montée dans les années 1980-2000 des thèmes reaganiens et bushistes contre "l'ennemi intérieur" (notamment l'écologisme et les communautarismes) supposé tenté de lier amitié avec "l'empire du mal" (communiste). Le dévoilement de toute cette histoire comme celle de "coups tordus" et de brutalités, de forçages et de "viols des foules" commence seulement à émerger depuis l'élection de Barack Obama. Sa durée, sa continuité, son importance internationale et notamment en Europe sont timidement relevées dans certains livres et films récents (notamment "l'affaire Farewell" de Christian Carion), ou dans quelques travaux sur l'Italie et le Vatican de la loge P2 et de l'affaire Aldo Moro. Mais il n'existe pas à ma connaissance de vision d'ensemble de cette période, et encore moins d'approfondissement théorique (et donc nécessairement anthropologique) de cette phase de première "mise en défensive" du capitalisme affairiste américano-centré .
L'articulation entre histoire évenementielle (parfois trop captivée par le romantisme des "affaires" et des "complots") et anthropologie de la peur pourrait peut-être se configurer ainsi : pressentant depuis longtemps sa crise structurale se profiler (via l'endettement généralisé par le dollar, notamment), les dirigeants du système ont, depuis les vingt dernières années du XXe siècle, tenté d'enrayer par avance toute tentation de rechercher d'autres façons de vivre, toute échappée hors consumo-productivisme. Pour ce faire, ils ont en même temps attaqué ce qui restait du potentiel de séduction de l'idée socialiste (bien mise à mal par sa collusion avec le totalitarisme bureaucratique) et ce qui pouvait apparaître comme de nouvelles alternatives, plus libérales, individuelles ou communautaires (dangereuses dans leur inscription dans la tradition américaine). Pour maintenir la masse des assujettis en place, il fallait un mélange de promesse de prospérité (adressée notamment aux dizaines de millions de nouveaux immigrants pauvres) et de peur des menaces, réelles ou imaginaires. Au fil du temps, la promesse de prospérité s'affaiblissant ou devenant "euphorique", la nécessité de la peur a grandi. Mais la stratégie de la peur connaît par nature une rapide usure et doit être renouvelée : après le hippie maudit (Charles Manson) et le tueur en série, après Rambo rentrant fou du Vietnam et le prêtre pédophile, il a bien fallu s'orienter vers le terroriste islamiste. L'industrie culturelle et médiatique anglo-américaine a donc décliné la peur sous tous les angles, y compris sous celui... de la peur des régimes trémocratiques (Brazil, GATACA, Matrix, etc), passant pour des critiques du pouvoir. Mais cette stratégie de la peur tous azimuts semble (après avoir poussé les gens à se recroqueviller sur leurs "gated communities") parvenir aujourd'hui à une limite. Ou plutôt à un confluent : elle est relayée par la "rumeur de panique" (notamment diffusée par internet) qui est beaucoup moins contrôlable et peut se diriger n'importe où. Mais elle est aussi -et c'est beaucoup plus inquiétant pour les pouvoirs en place- battue en brêche par la nécessité d'une prise en main des gens sur leur situation en contexte de chômage galopant (estimé à 18% aux Etats-Unis en tenant compte des gens ayant renoncé à trouver un emploi). Selon moi, cette prise en main de soi-même ne peut que casser la stratégie trémocratique, aussi bien que la peur comme symptôme. On sort de l'impuissance manipulée de l'esclavage sociétal pour tenter d'autres formes de solidarité et de convivialité, ainsi que d'autres formes de légitimité face aux institutions perdues de leur côté dans un "systémisme" insoutenable. Certes, cette "sortie du jeu" est encore imperceptible : c'est que, si elle doit prendre sens, elle ne peut le faire qu'en entraînant de très grands nombres, et non plus -comme dans le passé- en "exfiltrant" de petites minorités activistes. Mon diagnostic est donc le suivant pour les décennies à venir : les pouvoirs établis sur le système et sa légitimité vont très probablement renforce le thème sécuritaire pour obliger la grande masse à continuer son mode de vie soumis à l'ordre systémique, mais ce thème présente lui-même un danger d'accélération de sa propre décrédibilisation. Tout dépendra en dernier recours de sa capacité à prendre les rênes de la rumeur haineuse pour l'orienter vers des fausses routes. En un autre sens, tout dépendra de la capacité des peuples à se défaire des peurs et des haines et à construire des formes de vie moins dépendantes de la dérive consumo-productiviste, tout en inventant de nouveaux critères de légitimité démocratique.

Important note:

At the time this conference was recorded, I had not yet gone to the heart of the question of “deriving fears” leading to a “paranoid” mechanism of mania on a suspicion generally aimed at perfect scapegoats (such as the elites, the powers, the wealthy, the occult conspiracies, the so called "Illuminati", and finally the Jews – or in emerging nations, the children, women and the poor-), notably about the terrorist attacks of September 11th 2001. Since then, and after a careful review of the sources, I have reached the conviction that the theory aimed towards the American authorities being themselves actors and even direct manipulators of these attacks does hold water either at a technical level or at the level of sociology of underground mobilizations.
The “right to doubt” (rightly argued by the sociologist Pascal Froissart) extends itself for several components of the “reopenist” movement through a control of the rumour on credulity and incompetence. The legitimate dissatisfaction and distress felt by the victims or by the anxious population are more and more openly captured by “prophets of fear” who classically resort to turning the fear into blind hatred. Evidently, this phenomenon (which I analyse elsewhere on the site) must not exclude any question on American and British secret services strategies in the Middle-East in the period preceding the attacks (keeping in mind they were still functionning on a "cold war pattern"). However, let us not forget that a history of the (real) conspiracies scattered throughout the last hundred years (and notably those resulting from political violence from right-wing America following the Vietnam War failure) is different from anthropology of fears. We can and we must better articulate them: anthropology of fears attempts to understand the overall meaning of the aftermath of “epidemics” (sanitary or criminal) which shake the population in a regime of globalization. It endeavours to decisively establish a theoretical model of the links between symptoms and political orientations vis-à-vis major life choices. But a history of manipulations is concerned with a quite different subject : it aims at the resistance, by the elites and the categories sharing preponderant power, over the evolution of a world which eludes them.
For example, in a study still unpublished (but soon to be scanned), I observed first-hand, in the years 1980-2000, the rise of Reagan and Bush type themes against the “enemy within” ( notably environmentalism and communitarians) supposedly tempted to make friends with “ the Evil Empire” (communist). The unmasking of the whole story as that of the “dirty tricks” and brutalities, forcing and “crowd rapes” (which answered a well documented KGB-GRU bidding-game on terrorism) are starting to emerge since the election of Barack Obama. Its duration, its continuity, its international importance notably in Europe, are timidly exposed in recent books and films (notably "L'affaire Farewell" by Christian Carion), and in a few other works done in Italy and the Vatican on the P2 Lodge and the Aldo Moro affair. But, to my knowledge, there exists no overview about this period, and still less no deep theoretical thinking (necessarily anthropological) of this phase of “defensive setting up” of Americano-centred racketeering capitalism.

The articulation between history of events (too often captured by the romantics of “business” and that of “conspiracy”) and the anthropology of fear could be configured as follows: having felt for a long time that its structural crisis was approaching (notably via the debt generalized by the dollar), system leaders have, since the last twenty years of the XXth century, tried to curb all attempts at finding other ways of living, all escapes out of consumo- productivism. To do so and simultaneously, they attacked what was left from the potential of seduction attached to the socialist idea, (seriously undermined by its collusion with totalitarian bureaucracies) and what could appear as new more liberal, individual or grassroots-driven alternatives (dangerous in their inclusion into American tradition). To keep the subdued masses in their place, what was needed was a mixture of promise of prosperity (aimed at the tens of millions of new poor immigrants) and a fear of the real or imaginary threats. As the promise of prosperity weakened and became "euphoric", the need for fear increased.
But the strategy of fear by its very nature wears off rapidly and must be permanently renewed: after the damned hippie (Charles Manson) and the serial killer, after Rambo returning crazy fromVietnam and the pedophile priest, the need arose to turn to islamist terrorism (which happened to be incredibly violent on a large scale). The anglo-american culture and media industry started to spread fear from all angles, including… the fear from “tremocratic” regimes (Brazil, GATACA, Matrix, etc), presented as criticism of power.
However this strategy of fear all azimuths (after pushing people to shrivel up in their "gated communities"), has stretched its limits today. Or rather has reached a confluence: it is now relayed by the “panic rumour” (notably through the internet) which is far less controlable and can be directed anywhere. But it is also far more worrying for the powers in place – undermined by the need to hold the grip on people’s situation within the context of rampant unnemployment (estimated at 18% in the USA taking into account those who have given up on the prospect of finding a job). In my opinion, this grip on oneself can only smash the “tremocratic” strategy, as well as the fear symptom. We are freeing ourselves from the manipulated impotency of societal slavery and seeking new forms of solidarity and conviviality, as well as other forms of legitimity facing institutions lost themselves in an untenable “systemism”. Of course this “exit from the game” is still imperceptible: to make sense it can only be realised by dragging large numbers with it, and not as in the past, by “exfiltrating” a few small minority activists.
My diagnosis for the next decades is the following: powers established on a system and its legitimity will probably reinforce the security theme to force the masses to accept their condition, without threatening the "systemic order", but this theme presents the danger of its acceleration and its own loss of credibility. As a last resort, all will depend on its capacity to take the reins of the hateful rumour and guide it along false paths. On the other hand, all will also depend on the capacity of people to get rid of the hatred and to build new forms of living less dependant on the drift of consumo- productivism, at the same time inventing new criteria of democratic legitimacy.


Jeudi 10 Février 2005 - 00:00
Lundi 1 Février 2010 - 03:22
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